Selon une récente étude de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) sur l’inflation, quelque 97 % des petites et moyennes entreprises (PME) au Québec rapportent une augmentation de leurs coûts de production en 2022 (carburants, produits alimentaires, assurances, autres intrants d’entreprise, etc.), dont 64 % de façon importante. L’étude révèle aussi que 94 % des dirigeantes et dirigeants considèrent que le gouvernement du Québec devrait agir pour protéger les PME.
Les secteurs agricole et forestier, très largement constitués de PME, partagent tout à fait cette analyse. Ces derniers mois, nous avons décrit à maintes reprises, à plusieurs intervenants et de multiples façons, l’effet négatif de la hausse des coûts de production et des taux d’intérêt sur la rentabilité des entreprises agricoles et forestières. Les plus récentes statistiques pour 2022, qui témoignent d’une diminution du revenu net des entreprises malgré une hausse significative des ventes, sont éloquentes à cet égard.
Comme le soulignait La Financière agricole dans son Agro-indicateur de décembre, la hausse des recettes « grâce à une conjoncture de prix généralement élevés » s’est inscrite « dans un contexte caractérisé par la guerre en Ukraine, qui a exacerbé les augmentations de coûts des intrants, dont notamment le carburant, les engrais et l’alimentation animale ». Par ailleurs, « la hausse des coûts d’emprunts à la suite des hausses du taux directeur de la Banque du Canada fait également partie des éléments qui contribuent à cette forte hausse des dépenses en 2022 ».
Les prochains mois risquent malheureusement de s’inscrire dans la continuité. La hausse des taux depuis janvier 2022 augmentera les dépenses d’intérêts des entreprises agricoles de plusieurs centaines de millions de dollars au cours des prochains mois. De plus en plus d’entreprises seront touchées, entre 20 et 50 % des prêts agricoles faisant l’objet d’un renouvellement de leur taux à brève échéance. On peut donc s’attendre à des moments difficiles pour un nombre croissant de productrices et de producteurs.
Des milliers d’entreprises, en l’occurrence bovines et porcines, vivaient déjà des moments difficiles pour des raisons spécifiques à leurs secteurs de production. La hausse importante des coûts de production et des taux envenime une situation déjà délicate, voire précaire. Le secteur maraîcher (incluant les fermiers de famille), déjà durement éprouvé par la pénurie de main-d’œuvre persistante et la hausse rapide des salaires, se voit aussi fragilisé davantage.
Les régions agricoles plus éloignées, dites « périphériques », sont aussi désavantagées par rapport aux régions plus centrales. La hausse du prix du transport (tant pour faire venir leurs intrants de production que pour livrer leurs produits), le climat moins propice à certaines cultures (qui empêche la production de denrées dont les marges sont actuellement plus favorables, comme par exemple le maïs-grain) et leur taille généralement inférieure à la moyenne québécoise (limitant ainsi les économies) rendent ces entreprises particulièrement vulnérables.
De plus en plus de productrices et de producteurs se demandent comment ils pourront sortir indemnes de ce contexte économique exceptionnellement défavorable. Certains se demandent même si céder l’entreprise à une relève apparentée est réellement souhaitable. Plusieurs jeunes de la relève, de leur côté, reportent indéfiniment leurs projets. La lourdeur administrative, déjà omniprésente, accentue terriblement la situation. Lorsque des entreprises bien établies se remettent en question, que les prochaines générations se questionnent sur leur avenir et qu’une détérioration de la santé psychologique des troupes se pointe à l’horizon, il importe d’intervenir de façon plus musclée.
Comme convenu lors de discussions récentes avec les conseillers généraux de l’organisation, l’Union documente actuellement l’ampleur des difficultés vécues sur le terrain au moyen d’un sondage confidentiel auprès des productrices et des producteurs que je vous encourage à remplir le plus rapidement possible (ou à vous procurer en communiquant avec votre fédération régionale, si vous ne l’avez pas reçu). C’est à partir de ce portrait que nous pourrons poser les bons gestes. L’augmentation du nombre de fermes au Québec est de bon augure, mais elle est loin d’être acquise. L’agriculture québécoise est sous pression et c’est à nous, collectivement, d’y voir plus clair et d’exiger un soutien gouvernemental à la fois rapide et à la hauteur des défis.