La Commission de l’économie et du travail a mené en janvier ses consultations sur le projet de loi 59, Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail. Elle procédera, au cours des prochaines semaines, à son étude détaillée. Rappelons que la Loi sur la santé et la sécurité du travail et la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles n’ont pas été modifiées de façon substantielle depuis leur adoption il y a plus de 35 ans. L’idée de revoir l’environnement législatif a donc généré beaucoup d’intérêt.
Lors de sa participation aux audiences le 19 janvier dernier, l’Union a indiqué d’emblée aux parlementaires que les producteurs sont préoccupés par la santé et la sécurité du travail et que ces valeurs font partie des principes qui guident les actions de l’organisation.
C’est d’ailleurs pourquoi l’UPA travaille en partenariat avec la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST), par le biais notamment d’un comité de liaison, et met de l’avant un nombre important d’initiatives en la matière. Le projet de loi aurait toutefois dû être précédé de consultations auprès du monde agricole. L’applicabilité des mécanismes de prévention proposés est en effet problématique à plusieurs égards, compte tenu des particularités du secteur et de ses entreprises.
Nous avons expliqué aux parlementaires que la majorité des entreprises agricoles du Québec sont de petites entreprises familiales où vie professionnelle et vie privée cohabitent. Or, seulement 37 % des fermes du Québec cotisent à la CNESST et ont, en moyenne, trois employés réguliers à leur emploi. On comprend donc que très peu d’entreprises agricoles disposent de ressources internes spécialisées en prévention. Les mesures proposées dans le projet de loi (programme de prévention, plan d’action, comité et représentant à la santé et à la sécurité au travail, etc.) sont donc inadaptées à la réalité des entreprises agricoles québécoises.
Même les fermes qui emploient 20 travailleurs et plus auraient de la difficulté à prévoir un représentant ou un comité. Les 15 000 travailleurs étrangers temporaires limitent grandement le bassin de candidats en mesure de parler à la fois français et espagnol, ce qui forcerait le recours au personnel-clé des entreprises, ce qui aurait un effet contre-productif.
De plus, la production agricole est fortement encadrée et la gestion des divers programmes en place est déjà très lourde à porter pour les producteurs. Les nouvelles exigences prévues au projet de loi empireraient de beaucoup cette situation.
Par ailleurs, le projet de loi prévoit un nouveau Règlement sur les maladies professionnelles, mais omet complètement les maladies liées aux pesticides, alors que cet aspect a été largement documenté ces dernières années et qu’il a fait l’objet de modifications réglementaires ailleurs dans le monde. Le projet de loi présente aussi quelques mesures de soutien, mais elles sont nettement insuffisantes. Quelque 1 300 employeurs agricoles (soit 10 % des fermes qui ont des employés) sont membres d’une mutuelle de prévention, ce qui leur permet d’obtenir des services et du soutien pour les programmes de prévention. Cela veut dire que près de 10 000 employeurs ne bénéficient d’aucun soutien, sans parler des 18 000 fermes qui ne sont pas visées par la CNESST.
Il est clair que l’absence de consultations a nui grandement à l’applicabilité des mesures proposées dans le secteur agricole. Pour l’UPA, le soutien offert doit favoriser l’amélioration de la prévention pour l’ensemble des 29 000 fermes du Québec. C’est pourquoi nous demandons notamment la mise en place et le financement d’un comité spécial gouvernement du Québec-UPA, dont la mission serait similaire à celle des associations sectorielles paritaires en prévention. Il faut assurer la santé et la sécurité de toutes les personnes qui travaillent et qui vivent à la ferme. C’est le message que l’Union portera directement au ministre du Travail, Jean Boulet, lors d’une rencontre à venir.