Le mieux est l’ennemi du bien, selon un vieux proverbe (on peut gâcher une bonne chose en voulant la rendre meilleure). C’est certainement le cas avec le projet de cadre réglementaire fédéral sur le contenu recyclé et les règles d’étiquetage des emballages en plastique. Annoncé en mai 2023 afin d’améliorer les résultats en matière de recyclage, ce projet vise notamment à interdire les autocollants en plastique non compostable sur les fruits et légumes.
En août 2023, une ébauche de plan de prévention de la pollution pour les emballages primaires en plastique pour les aliments préconisait que 75 % de tous les produits soient vendus en vrac ou en emballages non plastiques d’ici 2026, avec une augmentation de ce seuil à 95 % d’ici 2028.
Ces annonces ont bien entendu suscité beaucoup d’inquiétude chez les producteurs de fruits et légumes. Depuis toujours, ce secteur de production est soucieux de contribuer à l’économie circulaire en développant notamment de nouvelles options d’emballage. L’industrie nord-américaine est d’ailleurs très proactive à cet égard. L’emballage primaire est toutefois une composante essentielle dans la chaîne de valeur des fruits et légumes frais, soumise à des exigences de salubrité et de fraîcheur particulièrement élevées. C’est pourquoi l’Association canadienne de la distribution de fruits et légumes et ses partenaires ont commandé des études pour mesurer les répercussions du projet.
Ces études ont notamment confirmé : une hausse du coût des produits frais de 34 % par rapport au niveau actuel; une réduction allant jusqu’à 50 % de la disponibilité des produits frais pour les Canadiens, spécialement dans les régions éloignées; une diminution du marché estimée à 5,6 G$ canadiens; une augmentation du gaspillage alimentaire de produits frais de plus de 50 % par rapport au niveau actuel; un accroissement de la pollution et des gaz à effet de serre provenant de la chaîne d’approvisionnement; une réduction de la consommation de produits frais, augmentant les coûts des soins de santé de plus de 1 G$ par an; un risque accru d’incidents de salubrité.
En décembre dernier, l’industrie a recommandé au gouvernement de consulter les professionnels du secteur afin de définir des options durables tout en évitant les effets négatifs sur le coût et la disponibilité de produits pour les consommateurs. L’analyse produite cette année par le gouvernement n’a malheureusement pas pris en considération les impacts économiques et les défis de compétitivité engendrés par les changements. Elle a néanmoins confirmé qu’il faudrait de 3 à 5 ans pour réduire de 25 % et de 5 à 10 ans pour réduire de 50 % les emballages plastiques des fruits et légumes (démontrant clairement que le projet est irréaliste compte tenu des connaissances et des solutions de rechange actuelles).
Dans une communication récente avec le ministre de l’Environnement et du Changement climatique, Steven Guilbeault, j’ai fait état des inquiétudes du secteur tout en demandant si les objectifs et les échéances du plan de réduction seraient révisés. J’ai aussi signalé que les normes de CanadaGAP, un programme de salubrité des aliments lancé en 2008, semblent nettement incompatibles avec le projet. Les producteurs souhaitent donc savoir comment ils pourront se conformer aux nouvelles exigences tout en conservant cette certification exigée par les détaillants.
J’ai finalement rappelé à M. Guilbeault que le marché des fruits et légumes est mondialisé et extrêmement compétitif. Le secteur se demande donc comment le gouvernement veillera à ce que les fruits et légumes importés soient soumis aux mêmes règles que celles imposées aux producteurs canadiens, pour ne pas créer de distorsion de concurrence et nuire à la compétitivité des entreprises locales.
L’industrie horticole présente des enjeux majeurs de salubrité et de fraîcheur des produits pour la santé des citoyens et la rentabilité des entreprises. Améliorer les résultats en matière de recyclage est un objectif légitime, mais la trajectoire actuelle est à la fois inacceptable et irréalisable. Il faut rectifier le tir, et ce, dès maintenant!