Le projet Énergie Est suscite tellement la grogne qu’il est temps pour l’Office national de l’énergie de suspendre les procédures préalables aux audiences.
On peut en effet facilement comprendre qu’un projet de pipeline de 4 600 kilomètres, dont 700 en sol québécois, possède tous les atouts pour provoquer la controverse parmi les propriétaires concernés, les écologistes, les médias et les divers paliers de gouvernements.
Or, le projet compte tellement d’aspects « à déterminer » qu’il amplifie les réticences de tous les intervenants.
Parmi ces aspects, mentionnons l’emplacement des stations de pompage qui auront un impact sur des superficies assez importantes. L’abandon officiel du projet de port pétrolier à Cacouna et les éventuelles solutions de rechange envisagées entretiennent aussi un certain flou. Plusieurs éléments du projet Énergie Est peuvent donc changer au cours des prochains mois et, conséquemment, toucher de nouveaux propriétaires. De toute évidence, les retombées de ces changements ne peuvent être analysées actuellement. Ce qui est fort problématique.
La période d’inscription pour participer aux audiences de l’Office se termine le 3 mars prochain. D’autre part, la date limite pour s’inscrire au Programme d’aide financière aux participants de l’Office est fixée au 23 février. C’est donc dire que les périodes d’inscription seront terminées lors d’éventuelles annonces de modifications au projet, ce qui empêchera les propriétaires nouvellement touchés de se faire entendre par l’Office ou de se prévaloir des avantages offerts par le Programme. Il s’agit d’une situation inéquitable pour les propriétaires qui seront touchés par les modifications à venir.
Pouvoir disposer de toute la documentation relative au projet en français demeure essentiel, et ce n’est pas le cas présentement. Nos récentes représentations auprès de l’ONE, d’Oléoduc Énergie Est ltée et du commissaire aux langues officielles en font foi. La situation actuelle exerce une discrimination évidente à l’égard des francophones, car la compréhension du projet dans sa globalité et des impacts qu’il aurait, notamment sur les terres d’environ 1900 propriétaires québécois, en majorité des producteurs agricoles et forestiers, est liée à la diffusion de ces informations. L’Union a aussi fait valoir que près de la moitié de la nouvelle infrastructure serait située au Québec, que le promoteur ne ménage pas les efforts lorsqu’il s’agit de traduire en français les campagnes de promotion du projet et que nous comptions donc sur sa collaboration pour en faire autant en ce qui concerne les documents officiels de consultation.
Pour toutes ces raisons, il est grand temps pour l’Office de prendre les décisions qui s’imposent.
En effet, il doit suspendre les procédures préalables aux audiences jusqu’à ce qu’Énergie Est ait terminé son analyse sur la présence d’un terminal maritime québécois et ait précisé l’emplacement des stations de pompage dans son projet. L’Office doit aussi exiger que tous les documents soient traduits en français et déposés officiellement. Toutes les personnes touchées pourraient ainsi participer pleinement. Il y va de la légitimité et de la crédibilité de l’Office, dont la mission fondamentale est de « rendre des décisions qui sont au diapason des intérêts et des préoccupations en évolution constante des Canadiens et Canadiennes ».
Éditorial La Terre de chez nous
Semaine du 18 au 24 février 2015
Pierre Lemieux, premier vice-président