Plusieurs dizaines de producteurs et d’intervenants ont participé, le 16 janvier dernier à Yamachiche, à un événement de l’Union soulignant la fin du projet Cohabitation agriculture-faune en zone littorale du lac Saint-Pierre 2019-2023.
Rappelons que le lac Saint-Pierre est considéré comme un joyau national et international. Toutefois, certaines pratiques agricoles dans les bassins versants en amont du lac ainsi que dans son littoral avaient une incidence négative sur la qualité de l’eau et la vitalité des habitats dans la plaine inondable. Le projet, une initiative de l’Union financée par le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ), visait à mobiliser les quelque 200 producteurs concernés et à soutenir leurs actions afin de contribuer à l’amélioration de cet écosystème.
L’ampleur des efforts déployés par les producteurs ces dernières années est impressionnante. La diversité et la richesse des activités réalisées, avec l’aide de collaborateurs, dont quatre fédérations régionales de l’Union (Centre-du-Québec, Lanaudière, Mauricie et Montérégie), plusieurs ministères et organismes régionaux ainsi que le Pôle d’expertise multidisciplinaire en gestion durable du littoral du lac Saint-Pierre, sont impressionnantes. Les bonnes pratiques promues en matière de couverture du sol, de gestion de l’eau, de fertilisation des cultures et de phytoprotection contribuent toutes à l’amélioration de l’agroécosystème du littoral.
Au-delà des progrès accomplis, c’est toutefois l’adhésion des producteurs qui est à souligner. Le succès du projet reposait sur leur engagement au regard, notamment, d’une transition viable, participative et éclairée vers des pratiques culturales adaptées. Les producteurs voulaient être « en action » et non « en réaction ». En misant fortement sur leur professionnalisme et leur expertise, le projet leur a permis de participer pleinement à l’avancement des connaissances et à la découverte de pratiques innovantes.
Le projet se termine officiellement en mars prochain. Il est toutefois primordial que les producteurs puissent bénéficier d’un soutien continu leur permettant de mettre en place des pratiques agricoles adaptées, tout en restant compétitifs et engagés dans l’amélioration de l’écosystème. Ces derniers sont toutefois frappés de plein fouet par les nouvelles exigences visant l’agriculture à l’intérieur du littoral, c’est-à-dire la zone inondable de récurrence 2 ans (régime transitoire de gestion des zones inondables, des rives et du littoral). Ces changements, apportés en 2022, posent d’importantes difficultés d’application et provoquent un très fort mécontentement.
Le projet Cohabitation agriculture-faune a démontré l’ouverture des producteurs. Mais l’amélioration de la qualité de l’eau est un travail de longue haleine. Il est utopique de penser que tout sera réglé en quelques années. De plus, l’agriculture n’est pas le seul secteur en cause, de sorte qu’un effort collectif et concerté est nécessaire.
Le nouveau régime transitoire impose notamment l’implantation systématique des bandes végétatives le long des fossés et des cours d’eau, ce qui entraîne trop de pertes de superficies cultivables, et ce, sans compensation financière ni démonstration que cette mesure est vraiment optimale. Il faut plutôt miser sur les cultures de couverture afin d’éliminer graduellement la présence des sols à nu dans ces milieux sensibles. Là, les gains sont évidents pour la qualité de l’eau.
Par ailleurs, la non-reconnaissance des divers ouvrages de protection des crues, comme les digues et les aboiteaux, est illogique. On ne peut pas imposer des exigences spécifiques aux zones inondables là où les terres sont préservées. Autre problème du régime : les limites du littoral ne sont pas représentatives de la réalité en certains endroits. Les producteurs ont-ils à faire les frais de cette inexactitude? Cet aspect nuit grandement à la crédibilité du nouveau régime. Que dire également de l’interdiction absolue des activités sylvicoles et acéricoles à l’intérieur du littoral ainsi que de celle de procéder à l’entretien des bandes riveraines, à l’extérieur du littoral? Ce dernier aspect entraînera inévitablement la prolifération des plantes nuisibles envahissantes, non seulement en milieu agricole, mais dans tout l’écosystème.
Le gouvernement doit faire un pas de recul afin d’asseoir sa réglementation sur des bases plus solides. Le projet Cohabitation agriculture-faune a démontré l’ouverture des producteurs à l’adoption de pratiques encore plus durables. Miser sur cet engagement, en acceptant notamment d’être à l’écoute de leurs besoins et de répondre à leurs attentes légitimes, serait une formule gagnante et durable.