Il y a très exactement un an, le gouvernement du Québec, à la suite de nombreuses pressions, renonçait à appliquer la réforme Paradis au Programme de crédit de taxes foncières agricoles (PCTFA). Les changements proposés ne corrigeaient en rien la situation engendrée par l’augmentation importante de la valeur des terres et, conséquemment, des taxes foncières agricoles. En fait (et nous l’avions démontré), cette réforme aggravait la situation dans toutes les régions, plus particulièrement celles où la charge fiscale foncière agricole est la plus élevée. Le gouvernement du Québec a pris la bonne décision quand il a annulé cette réforme.
Mais nous disions aussi que le retour au statu quo n’était pas une solution viable. Nous réclamions une table de travail réunissant la Fédération québécoise des municipalités, les ministères concernés et l’UPA pour trouver des solutions à long terme.
Nous savions que l’augmentation importante du prix des terres, utilisée pour établir les rôles d’évaluation, allait entraîner l’explosion des coûts du PCTFA et des taxes foncières pour les producteurs.
En fait, nous étions même en deçà de la réalité. La situation depuis 2016 et pour les années à venir exige des actions immédiates. En 2016, le fardeau fiscal agricole a crû de 9,3 % globalement au Québec. La croissance des coûts du PCTFA étant plafonnée à 105 % des dépenses de l’année précédente, l’écart entre l’augmentation des taxes et les contributions du gouvernement a été réparti sur l’ensemble des producteurs. Ceux des régions dont la hausse du prix des terres a été moins rapide paient donc pour ceux dont l’augmentation des taxes a été plus importante.
Cette situation se répète en 2017 et en 2018, car le fardeau fiscal agricole a augmenté respectivement de 9,5 % et de 11 %. Selon les évaluations du ministère québécois de l’Agriculture, la hausse sera de 10 % en 2019 et de 7,5 % en 2020. En considérant le plafonnement des coûts du programme, c’est une facture supplémentaire de 119,7 M$ qui sera ainsi répartie de 2016 à 2020 sur l’ensemble des producteurs agricoles du Québec; une situation inéquitable et inacceptable.
Le prix des terres n’est plus déterminé par leur rendement agroéconomique et la spéculation s’exerce de diverses façons. Parmi celles-ci, le Règlement sur les exploitations agricoles, qui impose un moratoire sur les superficies en culture dans près de 600 municipalités. Pour une ferme, la seule façon de prendre de l’expansion est d’acheter celle du voisin. Les fonds d’investissement (Caisse de dépôt et placement du Québec et Fonds de solidarité de la FTQ, entre autres) voient dans les terres un placement sûr en les payant à un prix qui n’a rien à voir avec leur rendement agricole. Même chose pour l’intérêt grandissant de citoyens à la recherche d’un coin de terre, d’un boisé ou d’une petite érablière, qui sont de plus en plus nombreux sur le marché. Ce sont ces transactions qui servent à établir la valeur des terres dans les rôles d’évaluation.
Nos demandes sont simples : abolir dès cette année le plafond des dépenses au PCTFA, limiter les valeurs taxables des terres à 20 000 $ l’hectare et introduire un taux distinct obligatoire quand un transfert du fardeau fiscal du secteur résidentiel au secteur agricole est constaté.
Ces trois mesures régleraient le problème une fois pour toutes. Elles ne sont pas pénalisantes pour les municipalités, qui profitent grandement de la présence d’une agriculture dynamique. De plus, ces mesures permettraient de mieux contenir la croissance des dépenses de l’État et assureraient une taxation foncière équitable et soutenable pour les producteurs. Il faut agir maintenant.
Éditorial La Terre de chez nous
Édition du 7 au 13 février 2018
Marcel Groleau, président général