Depuis l’arrivée au pouvoir des libéraux en 2014, les Québécois ont été mis lourdement à contribution pour l’atteinte de l’équilibre budgétaire. Pendant cette période de gestion serrée des finances publiques, plusieurs ministères ont coupé dans leurs dépenses, réduit leurs services et posé des gestes allant dans le sens de l’objectif visé.
Tout au long de cette période, chaque ministre devait respecter la règle du cran d’arrêt, c’est-à-dire que chaque nouvelle dépense devait être financée par des économies internes équivalentes. La Financière agricole du Québec (FADQ) est soumise aux mêmes règles. En gros, pour modifier ou améliorer un programme, ou encore en annoncer un nouveau, il fallait couper dans un autre ou faire des économies ailleurs.
Mon éditorial de la semaine dernière faisait état d’une récente conférence sur l’agroalimentaire organisée par le journal Les Affaires pour laquelle j’ai été conférencier. J’ai alors insisté sur la diminution des investissements en immobilisations dans le secteur agroalimentaire québécois, et la réduction des investissements en recherche et développement. Ailleurs au Canada, notamment en Ontario, c’est le phénomène inverse qui est constaté.
Les données de Statistique Canada démontrent clairement une corrélation entre les mesures de resserrement à l’assurance stabilisation des revenus agricoles (ASRA), à partir de 2010, et la réduction des dépenses en immobilisation dans les fermes.
Les producteurs agricoles, comme le milieu des affaires, posent des gestes en fonction des signaux qu’ils perçoivent. La décision d’investir repose sur leur confiance en l’avenir. L’avenir des marchés, des prix, et leur capacité à faire face aux aléas de tous genres. Or, en agriculture, ceux-ci sont nombreux.
À deux reprises ces dernières années, le conseil d’administration de la FADQ a recommandé au ministre de l’Agriculture des mesures concernant l’ASRA : réintroduire, dans le revenu stabilisé, les prélevés en recherche et promotion et limiter aux trois dernières années la récupération des sommes versées par Agri-Québec à être arrimées à l’ASRA.
Le gouvernement a refusé de donner suite aux recommandations de la FADQ. Malgré cela, on demande aux producteurs de faire un choix définitif entre l’ASRA et les programmes Agri, sans prendre en considération les conséquences pour la relève et les disparités régionales; l’économie budgétaire avant le développement. C’est dans ces piètres conditions que les producteurs doivent indiquer leur préférence.
La vraie raison derrière cet empressement est-elle de forcer les producteurs à quitter l’ASRA? La FADQ cherche-t-elle à récupérer les deux tiers des surplus des fonds ASRA du maïs, du soya, des pommes de terre et des pommes? Ces surplus représentent une somme de près de 50 M$. La stratégie de la FADQ et du gouvernement est-elle de libérer ces sommes pour se donner de la flexibilité, compte tenu de la règle du cran d’arrêt?
La table sur la sécurité du revenu a demandé une rencontre avec la FADQ pour discuter de tous ces enjeux. À juste titre, la présidente du conseil d’administration de la Financière, Sylvie Chagnon, a décliné notre demande, invoquant le fait que c’est au ministre de déterminer les orientations gouvernementales.
Le vote sur la préférence des producteurs entre les Agri et l’ASRA n’est que consultatif. La décision finale sera prise par le gouvernement, sur recommandation ou non de la FADQ. Devant les piètres résultats du Québec en matière de dépenses en immobilisation depuis sept ans, devant les conséquences que cela aura dans le futur, le gouvernement doit revoir sa stratégie et envoyer des messages positifs au secteur agricole.
C’est pour cette raison que l’UPA recommande de maintenir, pour les cinq prochaines années, la cohabitation des programmes ASRA et Agri-Québec. L’Union recommande aussi de mettre en place un programme complémentaire pour stimuler les investissements. Si le gouvernement mise sur le secteur agroalimentaire pour appuyer le développement économique du Québec, c’est maintenant qu’il faut le démontrer.