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Les gouvernements doivent lever l’incertitude

Publié le 6 février 2025 - Écrit par Martin Caron, président général

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  • Textes d’opinion

Les engagements du gouvernement canadien en matière de surveillance à la frontière (plan de 1,3 G$ sur 6 ans) et de lutte au trafic de fentanyl, quelques heures avant l’entrée en vigueur des tarifs américains (et contre-tarifs canadiens), ont permis d’échapper temporairement (30 jours) au déclenchement d’une guerre commerciale terriblement nuisible à nos économies respectives.

Plusieurs se questionnent sur les motivations réelles du président américain. Moins de 0,2 % du fentanyl saisi aux États-Unis vient du nord de la frontière, moins de 1 % des migrants illégaux sont issus du Canada, et le déficit commercial des Américains s’explique par leurs propres achats en pétrole canadien (100 G$ en 2024, c’est-à-dire 60 % de toutes les importations américaines de pétrole).

Selon plusieurs, les allégations de M. Trump ne sont que des prétextes pour déclencher ce que le Wall Street Journal a qualifié de « guerre commerciale la plus stupide de l’histoire ». D’autres considèrent que le Canada devrait réorienter son économie et réaligner ses politiques commerciales, nos voisins du Sud représentant 50 % (373,7 G$) des importations canadiennes et 77 % (594,2 G$) des exportations (2023). Cette dépendance n’est pas sans conséquence, comme on le constate ces jours-ci.

C’est pourquoi nous rappelons depuis plusieurs mois aux gouvernements québécois et canadien, au sein notamment du nouveau Conseil sur les relations canado-américaines, que 60 % des exportations agroalimentaires canadiennes (près de 60 G$) et que 68 % des exportations bioalimentaires québécoises (plus de 8 G$) étaient destinées aux États-Unis en 2023.

La guerre tarifaire qui nous pend au bout du nez affecterait donc très négativement les secteurs de production québécois qui misent fortement sur l’exportation de leurs produits au sud de la frontière. Pensons notamment au porc (583 M$ en 2023), aux légumes incluant les pommes de terre (487 M$), au sirop d’érable (368 M$), aux céréales incluant les oléagineux (204 M$) ainsi qu’aux fruits (ex. : bleuets) et noix (139 M$). L’industrie forestière, qui exporte massivement aux États-Unis, serait aussi lourdement touchée.

Cela dit, la situation chaotique constatée ces derniers jours n’est pas de nature à rassurer qui que ce soit. À quelques heures de l’échéance du 4 février, des douaniers ont indiqué à des producteurs maraîchers québécois qu’ils devront assumer eux-mêmes les tarifs de 25 % (une fois en vigueur), et non les importateurs américains de produits canadiens. Des distributeurs qui exportent aux États-Unis ont quant à eux réclamé à des producteurs de pommes de terre une baisse de prix immédiate de 25 %, afin de satisfaire leurs clients américains (contraints d’assumer prochainement les tarifs).

Les producteurs de grain, de leur côté, s’interrogent sur l’effet des tarifs et contre-tarifs, tant sur le prix des grains que sur le coût des intrants, dans un marché nord-américain hautement intégré. Tous ces exemples et questionnements amplifient l’angoisse et la confusion dans le milieu agricole. D’où l’importance, pour les deux paliers de gouvernement, de lever l’incertitude en clarifiant rapidement leur plan de match advenant une reprise des hostilités tarifaires.

À titre d’exemple, il est impératif d’éviter un double impact tarifaire en excluant tout contre-tarif sur les intrants américains (engrais, fertilisants, emballages laitiers ou maraîchers, équipements, tracteurs, etc.). Rappelons que les producteurs agricoles québécois importent chaque année pour environ 2 G$ de ces produits.

Les gouvernements doivent aussi garantir l’arrivée sans encombre des travailleurs étrangers temporaires (agriculture et transformation alimentaire), prévoir des allègements administratifs et réglementaires permettant d’atténuer les contrecoups négatifs d’un retour des tarifs, et entreprendre une promotion exceptionnellement soutenue de l’achat local. Comme l’indiquait récemment, dans le quotidien Le Soleil, Mme Florence St-Arnaud, fermière de famille de Sainte-Geneviève-de-Batiscan, « on dirait que ça prend une pandémie ou une guerre commerciale pour que l’achat local devienne une priorité ».

Les deux paliers de gouvernement doivent finalement faire connaître les mécanismes en vertu desquels une aide financière directe serait attribuée aux entreprises des secteurs de production pénalisés (sans recourir à des prêts). Nos entreprises sont exceptionnellement résilientes, mais doivent rapidement savoir à quoi s’en tenir.

La protection des intérêts agroalimentaires du Québec et du Canada est une responsabilité stratégique incontournable, surtout dans un contexte d’instabilité extrême. Il s’agit d’ailleurs, comme la crise sanitaire l’a démontré, d’une question de sécurité nationale (alimentaire).