Il arrive que des officiers municipaux fassent des erreurs lors de l’émission de permis, surtout en zone agricole où la réglementation est complexe. Or, les officiers municipaux ont aujourd’hui plus que jamais intérêt à être prudents, puisque la municipalité d’Oka vient d’être condamnée en mai à payer plus de 100 000 $ pour indemniser les acheteurs d’une propriété en zone agricole, pour laquelle elle avait émis des permis de construction et de rénovation illégalement au cours des ans.
Dans cette affaire1 , les nouveaux acheteurs d’un terrain et d’une résidence familiale construite en violation des règlements municipaux et de la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles poursuivent leurs vendeurs et la municipalité d’Oka. Ils reprochent à la municipalité d’avoir commis différentes fautes lors de la délivrance des permis ayant autorisé la construction et les rénovations de la résidence.
En effet, les préposés municipaux n’auraient pas vérifi é que les propriétaires de l’époque avaient bien obtenu un avis de conformité ou une autorisation de la Commission de protection du territoire agricole pour construire une résidence en zone agricole avant d’émettre les permis. À défaut, ils n’avaient simplement pas le droit de les émettre.
En fait, les nombreux permis délivrés par la municipalité auraient induit n’importe qui en erreur, en laissant croire que la résidence avait été construite dans le respect des lois et règlements applicables.
Devant le tribunal, la municipalité d’Oka tente de se dégager de sa responsabilité en affirmant que les nouveaux propriétaires auraient dû faire davantage de vérifi cations, autrement dit qu’ils n’auraient pas dû se fier sur le travail des offi ciers municipaux.
Cet argumentaire ne convainc pas le tribunal qui, au contraire, confirme que les nouveaux acheteurs étaient en droit de présumer que les permis avaient été émis légalement et que les préposés de la municipalité avaient fait les vérifications requises avant de les émettre.
Tout nouvel acheteur doit se montrer diligent dans la vérifi cation des titres et s’informer le plus possible avant de faire son achat, certes, mais les municipalités ne peuvent pas se dégager de leur responsabilité lorsqu’elles sont en faute.
Les nouveaux acheteurs reprochent également à la municipalité d’avoir manqué à son devoir d’information envers eux, alors que ses préposés connaissaient la situation illégale, et qu’ils n’en ont pas fait assez pour leur en informer ou pour la rectifier. Par conséquent, la résidence ne peut être habitée à des fins résidentielles et les nouveaux acheteurs s’exposent à une ordonnance de démolition. La municipalité est donc finalement responsable, in solidum avec les vendeurs et le propriétaire antérieur, du préjudice subi par les nouveaux acheteurs.
Notons en terminant que la municipalité d’Oka portera cette décision en appel devant la Cour d’appel du Québec. Nous suivrons la suite de cette saga judiciaire avec grand intérêt.
Par Me Charlotte Bourget-Rousseau
Me Bourget-Rousseau, agr. s’est jointe à BHLF avocats en 2017. Membre du Barreau du Québec depuis 2013, elle exerce principalement en droit de l’aménagement du territoire, en droit municipal et en protection du territoire et des activités agricoles. Elle est titulaire d’un baccalauréat en sciences de l’agriculture et de l’environnement de l’Université McGill et est membre de l’Ordre des agronomes. Courriel : cbourgetrousseau@upa.qc.ca
1 Ustushenkova c. Lavigne 2020 QCCS 1405
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