Le député de Beauce et candidat à la chefferie du Parti conservateur du Canada (PCC), Maxime Bernier, a surpris beaucoup de monde, en mai dernier, en promettant l’abolition de la gestion de l’offre s’il était élu.
Cette position est très surprenante venant d’un député rural, qui plus est de la Beauce, la région de Chaudière-Appalaches qui regroupe 20 % des entreprises agricoles du Québec, dont plusieurs sont laitières ou avicoles. La région compte aussi des fournisseurs d’intrants et des transformateurs alimentaires importants, qui dépendent des succès du secteur agricole et, particulièrement, des entreprises sous gestion de l’offre.
Les secteurs du lait, des œufs et de la volaille représentent 40 % des recettes agricoles du Québec. Toute cette production est transformée ici et nous en exportons une grande partie dans les autres provinces canadiennes. Des dizaines de milliers d’emplois au Québec, particulièrement dans Chaudière-Appalaches, reposent sur l’avenir de la gestion de l’offre. Cela semble toutefois secondaire pour M. Bernier.
Des termes comme « vire-capot », « opportuniste », « hypocrite » et d’autres encore moins élogieux sont utilisés pour qualifier son virage à 180 degrés.
Rappelons qu’en juillet 2015 à Sainte-Marie, dans les semaines précédant la conclusion du Partenariat transpacifique, nous étions ensemble sur la tribune, en compagnie des présidents de la Coalition GO5, pour défendre la gestion de l’offre devant des centaines de producteurs. M. Bernier nous a assuré de son soutien et de celui de son premier ministre.
Depuis qu’il est député de Beauce, il a d’ailleurs exprimé à maintes reprises son appui à la gestion de l’offre aux producteurs de sa circonscription. Il a accepté sans aucune gêne les contributions des producteurs et des transformateurs à ses campagnes de financement. Était-ce simplement pour garnir les coffres de son parti?
Répliquant aux critiques, M. Bernier a qualifié les agriculteurs d’« illettrés économiques ». C’est une insulte inqualifiable quand on connaît l’ampleur du travail, des investissements et des risques pris par les producteurs et leur famille.
Quand il dit que la gestion de l’offre coûte des milliards aux consommateurs canadiens, il sait très bien que c’est faux. Nulle part dans les pays industrialisés, les prix au détail du lait, des œufs et du poulet n’affichent les niveaux qu’il prétend pour arriver aux économies qu’il annonce.
Le député de Beauce accuse la méchante UPA « soviétique » d’être derrière la campagne menée par un groupe d’agriculteurs pour contrer son élection. Eh bien non, M. Bernier. Sachez que les producteurs « illettrés » savent aussi utiliser le Web. Ces « faux conservateurs », comme vous les appelez, sont des citoyens intéressés par la politique. Plusieurs d’entre eux font même partie de vos anciens partisans et ont décidé de ne pas vous laisser faire de la petite politique sur leur dos.
Ils savent maintenant que vous êtes une menace au développement et à la pérennité de leur entreprise. Ils connaissent les modèles australien et néo-zélandais et n’en veulent pas. Ils voient la crise qui sévit dans le secteur laitier européen depuis l’abolition des quotas, et ce, malgré les millions d’euros supplémentaires en subventions. Fait à noter : le prix du lait au détail, lui, demeure élevé.
Les producteurs savent, M. Bernier, que votre revirement est avant tout un choix opportuniste afin de lever les fonds nécessaires à votre campagne pour la chefferie. Les agriculteurs n’ont pas besoin de l’UPA pour s’apercevoir qu’ils se sont fait tromper par un homme politique plus intéressé par sa carrière que par le sort des citoyens de sa circonscription et de son coin de pays.
Après cela, comment se surprendre de l’écœurement de la population à l’égard de la politique et du peu de respect qu’elle accorde généralement aux politiciens?