En amont du Sommet sur les systèmes alimentaires qui se tiendra le 23 septembre prochain, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a invité les États et les organisations de la société civile à discuter des moyens à prendre pour favoriser une alimentation durable, équitable et sûre pour l’ensemble de l’humanité. En mai dernier, la Coalition pour l’exception agricole et alimentaire, que je copréside, a tenu un dialogue en marge de ce sommet. Le Mouvement international Nourrir l’humanité durablement est né de cette réflexion.
Beaucoup d’événements remettent en question nos certitudes en ce moment. À commencer par la pandémie de COVID-19 et toutes ses conséquences, non seulement sur les chaînes de production agricole et d’approvisionnement alimentaire, mais aussi sur nos relations et comportements dans la société. Avec l’évolution de science et de la médecine, on se croyait pourtant à l’abri de ce genre de fléau. La tension et l’anxiété autour de nous se ressentent.
Cette pandémie met en évidence la nécessité de collaborer mondialement. La création de vaccins en un temps record est le résultat de cette collaboration. Et nous savons que nous sortirons réellement de cette crise lorsque les vaccins seront disponibles en quantité suffisante dans tous les pays.
Il en est de même pour la crise climatique, qui ne se résoudra pas sans une collaboration mondiale exceptionnelle. Nous devons agir rapidement pour à la fois limiter le réchauffement et nous adapter aux changements que nous vivons déjà. Les phénomènes météorologiques extrêmes liés à ces changements sont visibles partout. Tous les continents sont touchés, et les pays nordiques comme le Canada le seront encore plus.
La crise climatique aura des répercussions importantes sur la production agricole. Le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat aborde l’épineuse question de la rareté de l’eau. L’ouest des États-Unis voit déjà ses réserves d’eau potable diminuer de façon inquiétante. Alors que la demande alimentaire augmente, la productivité agricole mondiale risque d’être perturbée. Si cela s’avère, et c’est plus que probable, la sécurité alimentaire et la stabilité politique de plusieurs pays seront compromises. Le proverbe le dit : ventre affamé n’a pas d’oreilles.
L’enjeu alimentaire est donc une préoccupation suffisamment grave pour que l’Organisation des Nations unies organise un Sommet sur les systèmes alimentaires. Elle diffusait la semaine dernière un nouveau rapport appelant les gouvernements à repenser la façon dont l’agriculture est subventionnée et soutenue. La majorité (87 %) des 540 G$ en soutien aux producteurs agricoles dans le monde (droits de douane à l’importation, subventions à l’exportation, subventions fiscales liées à la production d’un produit ou d’un intrant spécifique, etc.) aurait un effet de distorsion sur les prix ou serait nuisible à la nature et la santé. La réaffectation de ce soutien pourrait, selon le rapport, contribuer à transformer positivement les systèmes alimentaires.
J’ai l’impression d’entendre les disciples de l’Organisation mondiale du commerce. Éliminons l’intervention des États et libérons les forces du marché. Comme si les aliments étaient de simples objets de consommation. C’est à la fois décevant et inquiétant. On comprend mieux pourquoi plusieurs organisations de la société civile boudent le Sommet et redoutent ses conclusions. Le commerce et les forces du marché n’offrent qu’une solution, soit l’ajustement des prix selon la demande, ce qui favorise la concentration de l’offre, qui est déjà l’un des principaux problèmes en alimentation. Ce principe économique ne fonctionne pas en agriculture, un environnement où la rareté et les surplus de l’offre engendrent des fluctuations de prix énormes. Les émeutes de la faim en 2008, dans la foulée d’une augmentation rapide du prix des céréales, ou encore les crises du revenu vécues à répétition par les producteurs agricoles, en sont des signes éloquents.
De plus en plus de spécialistes conviennent que le système alimentaire actuel est insoutenable économiquement, écologiquement et socialement. Nourrir l’humanité durablement sera le plus grand défi des prochaines années. Pour avoir une voix forte au chapitre, visitez le site nourrirdurablement.org Ce lien s'ouvrira dans une nouvelle fenêtre et joignez le mouvement.