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Partenariat transpacifique : il y a des limites à l’adaptation

Publié le 14 octobre 2015 - Écrit par l'UPA

Catégorie :

  • Citoyen/Citoyenne
  • Producteur/Productrice
  • Textes d’opinion

Ces dernières semaines, et plus particulièrement depuis l’adhésion du Canada au Partenariat transpacifique (PTP), un certain nombre d’intervenants économiques soutiennent que les producteurs doivent rapidement prendre le virage de la compétitivité et s’adapter. En fait, les agriculteurs sont continuellement en mode d’adaptation face aux exigences grandissantes des consommateurs, aux nouvelles technologies, à la concurrence internationale et aux fluctuations des prix des marchés mondiaux.

Il est plutôt facile de recommander l’adaptation en tant que commentateur ou soi-disant expert quand on n’est pas directement touché.

En fait, les producteurs agricoles québécois s’adaptent continuellement à la technologie, à l’évolution des connaissances et des marchés, à la pénurie de main-d’œuvre, etc. Je mets quiconque au défi de prendre en main l’administration d’une ferme aujourd’hui et de réussir. Il y a une limite à l’adaptation lorsqu’il est question d’éléments hors du contrôle des producteurs. À plusieurs égards, ceux-ci sont aux prises avec les lois et les règlements les plus exigeants en Amérique du Nord, les attentes de leurs concitoyens, l’ouverture des marchés et la non-compétitivité du soutien de l'État.

On demande en effet à nos producteurs d’investir massivement dans leurs entreprises pour se conformer à des normes environnementales toujours plus sévères; le Québec a les règles environnementales les plus strictes en Amérique du Nord. On leur demande d’adopter des pratiques et d’adapter leurs bâtiments en fonction des attentes sociétales en matière de bien-être animal. On leur demande aussi de préserver un modèle d’agriculture familial et des fermes de petite taille. Tout ce qui est gros est suspect, même si nos plus grandes entreprises sont petites comparativement à celles qu’on retrouve chez nos compétiteurs américains.

Alors qu’au Canada, on resserre les critères et l’administration du Programme des travailleurs étrangers temporaires, les États-Unis peuvent compter sur un bassin illimité de travailleurs illégaux, autant dans les fermes que dans les usines de transformation. On exige de nos agriculteurs des produits de grande qualité qui respectent les normes québécoises, mais on les place en concurrence avec des produits importés souvent mal étiquetés, provenant de pays qui permettent l’utilisation de médicaments et de pesticides interdits au Canada. On demande aussi à nos producteurs de demeurer compétitifs malgré un climat nordique qui ne les avantage pas toujours. De plus, le Canada a récemment signé deux ententes internationales, le PTP et l’Accord économique et commercial global avec l’Europe, dans lesquelles il offre nos marchés et nos tablettes à des produits étrangers largement subventionnés.

Au même moment, les budgets 2015-2016 dévolus au secteur agricole québécois ont diminué de 14,5 %. En 2013, le gouvernement canadien a coupé dans Agri-stabilité et Agri-investissement plus de 260 M$ par année, alors que les États-Unis et l’Europe ont maintenu leurs budgets. On resserre aussi les règles de l’assurance stabilisation des revenus agricoles pour les secteurs de production qui en dépendent. Au Québec, on nous a également imposé, depuis plus de 11 ans, un moratoire sur l’augmentation des surfaces cultivées. On nous demande en plus de nous adapter à des importations illégales non contrôlées par les douanes.

Récemment, la commission Robillard a proposé l’abolition des programmes d’assurance stabilisation et de crédit de remboursement des taxes foncières agricoles. Plusieurs intervenants, dans les médias, ont aussi salivé à l’idée d’une éventuelle disparition de la gestion de l’offre. Pendant ce temps, nos gouvernants ont soutenu en 2013, à hauteur de 450 M$, le projet d’une cimenterie à Port-Daniel–Gascons. Pour la même année, c’est 50 % de plus que l’ensemble des dépenses des programmes de la Financière agricole du Québec pour les 28 000 entreprises agricoles du Québec. La compétitivité du secteur de l’aluminerie, de son côté, est assurée par l’ajustement des tarifs d’électricité sans qu’on sache ce qu’il en coûte. On a aussi récemment accordé 190 M$, sur un investissement de 250 M$, pour une nouvelle machine à papier à l’usine Kruger de Trois-Rivières. Je pourrais ajouter à cette liste le multimédia qui se développe au Québec par l’entremise d’un crédit d’impôt unique à ce secteur. Cependant, pas un mot des chroniqueurs économiques à ce sujet, sinon pour dire qu’il s’agit de bons investissements. Pourtant, quand il s’agit d’agriculture, le soutien gouvernemental est continuellement remis en question. C’est deux poids deux mesures, malgré le fait que plus de 200 000 emplois au Québec dépendent de l’agriculture et de la transformation alimentaire.

Pour revenir au PTP et à ses conséquences, il ne fait aucun doute que les programmes de compensation offerts ne couvriront qu’une portion des pertes des producteurs sous gestion de l’offre et de l’industrie qui en découle. Nos agriculteurs qui font de l’exportation pourront, quant à eux, profiter des accès négociés seulement si le soutien de l’État est compétitif. Comme pour nos industries, c’est une simple logique mathématique. Depuis 10 ans, les productions bovine et porcine enregistrent des baisses au pays malgré toutes les ententes commerciales signées par le Canada et la demande alimentaire croissante. Il y a des limites à la capacité à s’adapter.