L’année qui s’amorce démontre que la crise sanitaire est encore bien présente. Je sais toutefois que les agricultrices et les agriculteurs du Québec continueront de faire preuve d’une très grande résilience, comme c’est le cas depuis le tout début de la pandémie. Je leur souhaite tout de même une année à la hauteur de leurs attentes, remplie de santé et de succès. Comme je l’indiquais en décembre dernier, une grosse année nous attend.
Le dossier de la main-d’œuvre fait très certainement partie des défis à relever. Et il ne date pas d’hier. Dès 2015, l’Union des producteurs agricoles et le Conseil de la transformation alimentaire du Québec (CTAQ) publiaient dans plusieurs quotidiens un manifeste demandant au gouvernement du Québec d’inscrire le secteur agroalimentaire parmi les stratégies de développement économique prioritaires de la province. Cette requête était appuyée par La Coop fédérée, le Mouvement Desjardins et la Faculté des sciences de l’agriculture et de l’alimentation de l’Université Laval.
Le manifeste identifiait trois enjeux stratégiques pour le secteur agroalimentaire : stimuler l’investissement et l’innovation dans les entreprises agricoles et de transformation; augmenter l’investissement en recherche; répondre à la pénurie de main-d’œuvre. La Politique bioalimentaire du Québec, dévoilée en avril 2018 et reconduite par le gouvernement actuel, était une réponse directe à ce cri du cœur. Décrite par l’Union comme « le plan de match qui manquait aux [agriculteurs] pour se projeter dans l’avenir », elle fut d’ailleurs très bien accueillie.
La Politique a répondu à plusieurs égards aux deux premiers enjeux soulevés par l’Union et le CTAQ en 2015. Je pense notamment aux sommes importantes visant à augmenter les investissements privés dans le secteur agricole et agroalimentaire (un engagement électoral du premier ministre François Legault). Je pense aussi aux nombreux investissements pour faire croître l’autonomie alimentaire, surtout depuis le début de la crise sanitaire, ainsi qu’au Plan d’agriculture durable, annoncé en 2020 dans la foulée des demandes répétées de l’Union.
Le troisième enjeu soulevé par l’Union et le CTAQ, soit la pénurie de main-d’œuvre, continue toutefois de plomber le développement du secteur. Bien sûr, ce problème ne touche pas uniquement l’agroalimentaire québécois. À témoin, une étude de l’Institut du Québec dévoilée en septembre nous apprenait que le Québec (5,3 %) et la Colombie-Britannique (5,4 %) étaient les provinces affichant les plus hauts taux de postes vacants au pays, tous secteurs économiques confondus.
L’agroalimentaire est toutefois confronté depuis très longtemps, et beaucoup plus que plusieurs autres secteurs, à ce problème. Selon Statistique Canada, le secteur agricole affichait un taux de postes vacants de 6,1 % en septembre dernier. Tout juste avant la période des Fêtes, les fabricants canadiens d’aliments et de boissons, qui affichent des taux de plus de 20 %, ont formellement demandé au gouvernement fédéral de trouver des moyens pour atténuer ce problème. Le CTAQ en faisait aussi une demande formelle au gouvernement du Québec, quelques semaines avant la mise à jour économique.
L’automatisation, la robotisation et les nouvelles technologies peuvent certainement amoindrir les effets de cette pénurie. Mais il s’agit de solutions à moyen ou long terme qui nécessitent de très gros investissements. Par ailleurs, plusieurs tâches manuelles, dans les fermes et dans les entreprises de transformation, sont essentielles et irremplaçables. C’est d’ailleurs pourquoi il est impératif de réduire la lourdeur administrative et les coûts inhérents à l’embauche de travailleurs étrangers temporaires, en l’occurrence un soutien financier et des délais d’implantation adéquats advenant de nouvelles normes pour le logement.
Les ministres André Lamontagne et Benoit Charrette rappellent fréquemment que répondre aux attentes des consommateurs à l’égard de l’environnement est l’un des grands défis que pose la Politique bioalimentaire. L’Union endosse ce principe et les agriculteurs du Québec y adhèrent pleinement, comme le démontre l’adoption de nouvelles pratiques durables, au gré de l’évolution des connaissances agronomiques et scientifiques. Les attentes et les préoccupations des citoyens, même si elles sont légitimes, n’invalident toutefois pas l’environnement commercial dans lequel nos entreprises agricoles évoluent. La pénurie de main-d’œuvre a une incidence directe et significative sur leur capacité d’agir, à tous les niveaux. Des solutions sont requises dès maintenant pour faire face à cet enjeu.