Comme plusieurs, j’ai été choqué par le reportage paru dans La Presse sur l’état de la rivière Chibouet. Il démontre, au-delà des enjeux sur la gestion des pesticides, que nous ne prenons pas soin collectivement de notre environnement.
Je tiens à préciser que l’Union des producteurs agricoles (UPA) n’a jamais défendu quiconque ne respectant pas les lois et règlements sur les bandes riveraines et n’est jamais intervenue en ce sens auprès des municipalités. Nous plaidons pour une application uniforme des règlements partout au Québec, tant par les municipalités lorsqu’elles en sont responsables que par le ministère de l’Environnement. Ce n’est malheureusement pas toujours le cas.
Les municipalités n’ont pas toujours les ressources financières requises ou le personnel qualifié pour faire respecter les règlements environnementaux. Il peut aussi être gênant, pour certaines, de sanctionner des producteurs quand elles déversent elles-mêmes, régulièrement et impunément, les trop-pleins des usines d’épuration directement dans la rivière. Cela se produit des milliers de fois par année au Québec, avec des conséquences bien pires que les traces de pesticides qu’on trouve dans certains cours d’eau.
Les images choquantes de déchets retrouvés sur les rives de la rivière Chibouet ne m’ont pas étonné. Plusieurs seraient renversés de voir tout ce que les agriculteurs trouvent chaque printemps dans les champs en bordure des routes : bouteilles, canettes, sacs à déchets et autres débris abandonnés ou lancés des voitures. Les producteurs ne sont pas responsables de tout.
Il est vrai que les bandes riveraines doivent être respectées et valorisées. Ces surfaces représentent des milliers d’hectares répartis inégalement entre les fermes et le territoire. L’aménagement de ces surfaces et leur entretien par les producteurs serait une contribution significative à l’environnement et au maintien des écosystèmes et des pollinisateurs s’il était soutenu par un programme de rétribution des biens et services écologiques (BSE).
Il est grand temps d’adopter un véritable plan vert agricole au Québec, impliquant les producteurs et misant sur une vision à moyen et long terme. Des investissements supplémentaires en recherche ainsi qu’un meilleur accompagnement des agriculteurs vers les méthodes de remplacement des pesticides doivent devenir prioritaires.
Les solutions ne tomberont pas du ciel. Les solutions de rechange sont souvent plus risquées et coûteuses que les pesticides, sans rémunération des marchés. Voilà un autre exemple ou la rétribution des BSE pourrait encourager les producteurs à se tourner vers des pratiques innovantes.
Le bilan du Québec se compare avantageusement à celui des autres provinces, mais il faudra aller plus loin que la réglementation si nous souhaitons réduire et améliorer l’utilisation des pesticides. De plus, transférer toute la gestion de ces derniers à l’Ordre des agronomes du Québec (OAQ), comme le président de l’Ordre l’a proposé la semaine dernière aux membres de la Commission de l’agriculture, des pêcheries, de l’énergie et des ressources naturelles (CAPERN), serait une grave erreur. Les agronomes ont un rôle important à jouer auprès des agriculteurs et de la collectivité. Pour obtenir et maintenir la confiance du public, le maître d’œuvre doit demeurer le gouvernement du Québec. L’Union propose de faire évoluer le Plan agroenvironnemental de fertilisation vers un plan intégré de gestion des cultures, incluant la gestion des pesticides. Ce plan devrait prioriser les méthodes de remplacement des pesticides quand elles sont disponibles.
Je sais que les agriculteurs sont inquiets actuellement. Ils sont devant un dilemme : maintenir la rentabilité de leur entreprise dans un marché de plus en plus mondialisé et compétitionner, sur les marchés d’ici et d’ailleurs, avec des producteurs étrangers qui n’ont pas à respecter les règles québécoises. Pour être crédibles, les suites du mandat de la CAPERN sur la gestion des pesticides devront être réalistes. Le Québec doit se doter d’un réel plan vert agricole qui place les producteurs au cœur des actions.
Éditorial La Terre de chez nous
Édition du 2 octobre 2019
Marcel Groleau, président général