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Revisiter les attentes du secteur

Publié le 4 avril 2025 - Écrit par Martin Caron, président général

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Après des mois de menaces, de reports, de déclarations choquantes, de sursis et de rebondissements, l’administration Trump a finalement frappé plus de 180 pays de tarifs « réciproques » s’échelonnant de 10 % à 50 %. Le Canada est exempté de ces tarifs, mais pas de ceux visant les industries de l’automobile, de l’acier et de l’aluminium (25 %).

Les marchandises « conformes » à l’accord commercial Canada—États-Unis—Mexique (ACEUM), c’est-à-dire 38 % des produits canadiens exportés au sud de la frontière, continueront quant à elles d’être exemptées des tarifs de 25 % en vigueur depuis le mois dernier.

Plusieurs ont poussé un soupir de soulagement après cette annonce très attendue. On aurait toutefois tort de célébrer trop rapidement la tournure des événements. Comme on le sait, la proverbiale volatilité de Donald Trump ne permet aucun répit. Ce dernier a d’ailleurs dénoncé à nouveau le secteur laitier canadien même si, paradoxalement, environ 40 % des emplois dans le secteur agricole américain sont occupés par des migrants sans papier, selon l’American Farm Bureau Federation (près de 70 % dans le secteur laitier, selon certaines sources au Wisconsin). Ceux qui vivent dans des maisons de verre ne devraient pas jeter des pierres, comme on dit.

Par ailleurs, la conformité des marchandises à l’ACEUM n’est pas une garantie absolue. À titre d’exemple, des produits maraîchers canadiens respectant toutes les règles sont tout de même tarifés, sous prétexte que l’emballage est inadéquat. Des acheteurs américains doivent aussi composer avec l’humeur des partisans de M. Trump et leur nouvelle aversion pour les produits canadiens.

Les répercussions des contre-tarifs canadiens sur les marchandises américaines, y compris sur plusieurs intrants utilisés par le secteur agroalimentaire québécois, sont aussi une considération importante.

La menace sur le secteur agroalimentaire québécois, dans les circonstances, est donc encore bien vivante. Au-delà de ses fonctions nourricières, rappelons que l’apport économique de l’agriculture et de la transformation alimentaire (premiers secteurs primaire et manufacturier en importance au Québec) est incontestable, qu’il s’agisse du nombre d’emplois générés (plus de 127 000), de leur contribution annuelle au PIB (13,4 G$ en 2023) ou de leurs investissements (3 G$ en 2023).

Ajoutons que la majeure partie des exportations bioalimentaires québécoises, comme nous le rappelons fréquemment sur toutes les tribunes, est destinée aux États-Unis (72 % en 2024; 9 G$). L’imposition de tarifs douaniers américains sur les marchandises en provenance du Canada affecterait donc très négativement les secteurs qui misent fortement sur l’exportation de leurs produits au sud de la frontière, tout comme les tarifs chinois sur le porc et le canola, en vigueur depuis le 20 mars.

Les gouvernements doivent profiter de la situation et revisiter dès maintenant les attentes du secteur agroalimentaire, qui, en février dernier, identifiait une série de gestes à poser à brève échéance, incluant une aide financière directe et spécifique à la réalité des entreprises du secteur agroalimentaire touchées par le conflit tarifaire (en évitant à tout prix d’accroître leur endettement). Or, la majeure partie des initiatives et des programmes annoncés jusqu’à présent, plus particulièrement au Québec, s’avère peu adaptée aux entreprises du secteur (taille et chiffre d’affaires requis, délais, etc.).

Des solutions simples sont pourtant à la portée des gouvernements. Les agricultrices et les agriculteurs du Québec contribuent au Fonds d’électrification et de changements climatiques chaque année avec des sommes faramineuses (plus de 480 M$ depuis 2015), sans véritable retour d’ascenseur. Les exempter en tout ou en partie de toutes les taxes sur les carburants (essence, diesel, propane, gaz naturel, etc.) et de tous les frais émanant directement ou indirectement du système québécois de plafonnement et d’échange de droits d’émission (marché du carbone) allégerait grandement leurs préoccupations.

Aller de l’avant favoriserait aussi une plus grande équité, les entreprises agricoles des autres provinces bénéficiant directement de l’élimination du volet « consommateur » de la tarification fédérale sur le carbone.