La nouvelle politique bioalimentaire a beaucoup fait parler d’elle. Le projet de loi qui l’accompagne, déposé le 12 avril dernier, est quant à lui passé totalement inaperçu.
Le projet de loi 172, intitulé Loi modifiant la Loi sur le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation afin d’instaurer une politique bioalimentaire, prévoit que « le ministre devra organiser annuellement une rencontre avec les acteurs concernés par le secteur bioalimentaire pour discuter de l’atteinte des objectifs poursuivis par la politique. Il permet au ministre de modifier la politique avec l’approbation du gouvernement et il impose la révision de celle-ci tous les cinq ans ».
Le projet de loi prévoit aussi que le ministre doit, d’ici 2025 et tous les 10 ans par la suite, « procéder à l’analyse des lois qui relèvent de sa responsabilité, examiner la possibilité de les réviser et en faire rapport au gouvernement ».
Si tous les ministères devaient se soumettre à une telle mesure, le gouvernement serait totalement paralysé.
Le ministre de l’Agriculture est responsable de l’application d’environ 35 lois, qui vont de l’étiquetage à la salubrité des aliments, en passant par la protection du territoire agricole et la mise en marché des produits agricoles. Pensons seulement au temps nécessaire pour analyser la loi constitutive de La Financière agricole du Québec, qui encadre l’administration des programmes d’assurance stabilisation des revenus agricoles (ASRA), de gestion des risques, de l’assurance récolte et du financement agricole.
La stabilité sera l’un des éléments clés pour atteindre les objectifs de la politique bioalimentaire. Les producteurs agricoles et les transformateurs alimentaires ont besoin de travailler dans un environnement prévisible pour obtenir du financement et investir. La vigueur du secteur agricole, de par sa nature et les risques inhérents qui y sont associés, repose sur un accompagnement prévisible de l’État. Que le projet de loi 172 engage le futur ministre dans une révision aussi large et à répétition des lois relevant de son ministère soulève inévitablement beaucoup de questions.
La révision des lois entraînera-t-elle la remise en question de l’assurance stabilisation? Augmentera-t-on les exigences en matière de bien-être animal pour satisfaire les groupes qui s’opposent à l’élevage? Les règlements sur la salubrité seront-ils changés? Veut-on revoir le rôle et les responsabilités de la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec ou de la Commission de protection du territoire agricole du Québec? Serons-nous en mode consultation continuelle jusqu’en 2025, et ainsi de suite de décennie en décennie?
Pensons à la commission Robillard mise en place après l’élection de 2014, composée d’experts sans expérience dans le secteur agricole mais tout de même mandatés pour revoir les programmes du gouvernement, incluant ceux du MAPAQ. Première recommandation de cette commission : l’abolition de l’ASRA, suivie peu de temps après d’une deuxième recommandation : l’abolition du Programme de crédit de taxes foncières agricoles (PCTFA).
Autre chose étonnante dans ce dossier : le projet de loi 172 modifie la Loi sur le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation. Or, c’est justement en modifiant cette loi que le gouvernement peut lever le plafond des dépenses sur le PCTFA. Dans l’état actuel des choses, si un volet de la Loi doit être modifié, c’est bien celui-là.
L’objectif du ministre Laurent Lessard d’assurer la pérennité de la politique est louable et nous le partageons, mais ce projet de loi va beaucoup trop loin.
Éditorial La Terre de chez nous
Semaine du 25 avril au 1er mai 2018
Marcel Groleau, président général