Le gouvernement du Québec a confirmé, dans sa mise à jour économique et financière du 7 novembre dernier, des investissements additionnels totalisant 4,3 G$ pour « offrir un meilleur accès au logement, lutter contre l’itinérance, bonifier l’aide alimentaire, appuyer la formation dans des domaines spécifiques, s’adapter aux changements climatiques et favoriser l’investissement des entreprises ». Nous avions bon espoir que l’aide souhaitée par le secteur agricole, lourdement affecté par le contexte économique défavorable et les événements climatiques extrêmes, serait au rendez-vous. Cela n’a malheureusement pas été le cas, même si des centaines d’entreprises agricoles se questionnent actuellement sur leur avenir.
Les bonifications et mesures additionnelles visant à soutenir davantage les productrices et producteurs lourdement affectés par l’excès d’eau dans les champs, annoncées le 9 novembre par le ministre André Lamontagne au terme d’une rencontre avec l’Union des producteurs agricoles et plusieurs organisations horticoles, sont plus positives, quoique nettement insuffisantes compte tenu des pertes. Ces changements à venir concernent le Programme d’assurance récolte (ASREC) ainsi que le compte d’aide d’urgence pour les entreprises agricoles, annoncé en mai dernier. Le ministre a aussi confirmé qu’une révision de l’ASREC est en cours. Des résultats concrets sont toutefois attendus en 2025, ce qui n’apporte rien aux productrices et aux producteurs cette année et l’an prochain.
Une demande a aussi été formulée au gouvernement fédéral pour déclencher le programme Agri-relance, un cadre fédéral-provincial-territorial en cas de catastrophe. À ce chapitre, le ministre Lawrence MacAulay indiquait en septembre dernier que sa priorité, en tant que nouveau ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire du Canada, était de mettre « plus d’argent dans les poches » des productrices et des producteurs. Les bottines doivent suivre les babines, comme on dit. Ce programme gagnerait à être plus « réactif, prévisible et accessible », comme le signalait le mois dernier la Fédération canadienne d’agriculture dans son Rapport sur la santé financière des exploitations agricoles.
Au moment de l’annonce du ministre Lamontagne et compte tenu de l’ampleur des pertes, nous avons tout de même réitéré que la situation exceptionnelle que connaissent les productrices et les producteurs du Québec milite en faveur d’une aide tout aussi exceptionnelle, rapide, à la hauteur des besoins et à l’extérieur des programmes existants. Nous avons aussi rappelé que le soutien annoncé ces derniers mois, en grande partie sous la forme de garanties de prêts et non d’indemnités financières, est une reconnaissance implicite de l’inefficacité des programmes. À sa face même, ce soutien additionnel n’aurait pas sa raison d’être si l’adaptation des programmes, en raison notamment des nouvelles réalités économiques et climatiques, n’accusait pas un retard regrettable malgré les demandes répétées du milieu agricole.
Au-delà de la gestion des risques et de l’actualisation de ces programmes, il faudra aussi s’interroger sur l’iniquité de plus en plus flagrante entre la contribution financière des productrices et des producteurs à la lutte aux changements climatiques et le soutien qu’ils obtiennent en retour. À titre d’exemple, la contribution directe des entreprises agricoles québécoises au Fonds d’électrification et de changements climatiques depuis 2015 (débours liés à la tarification carbone, en l’occurrence pour le propane et les autres carburants) a atteint 338 M$ en fin d’année 2022. Elle pourrait atteindre 80 M$ de plus en fin d’année 2023. Cette contribution, alors que la très grande majorité des agriculteurs des autres provinces sont remboursés en tout ou en partie, nuit à la compétitivité de nos entreprises et devrait servir au financement d’initiatives dans le milieu.
L’imposition d’écofrais de toutes sortes depuis le 1er octobre dernier (plastiques agricoles, pellicules pour l’ensilage, bâches, sacs d’aliments, etc.) est aussi une ponction importante dans le secteur agricole, à qui on demande encore une fois de débourser des montants significatifs.
De plus en plus de productrices et de producteurs se demandent s’ils obtiennent un soutien de l’État véritablement proportionnel au temps, aux efforts et à l’argent qu’ils investissent pour nourrir leurs concitoyens, participer pleinement à la vitalité des régions et « performer » sur tous les marchés. Cet équilibre entre la rémunération obtenue et la valeur réelle du travail accompli, recherché dans toutes les sphères de la société, y compris, à titre d’exemple, dans l’actuelle négociation avec la fonction publique, n’est malheureusement pas au rendez-vous dans le secteur agricole, et nous continuerons de le réclamer tant et aussi longtemps que l’actualisation nécessaire des politiques, des budgets, des mesures et des programmes ne sera pas résolument entamée, tant à Québec qu’à Ottawa.