La règle de base en matière de troubles de voisinage est que les voisins doivent accepter les inconvénients normaux du voisinage qui n’excèdent pas les limites qu’ils se doivent, suivant la nature ou la situation de leurs fonds ou suivant les usages locaux.
Cette responsabilité dite « sans faute » est prévue à l’article 976 du Code civil du Québec1. Elle nous informe que lorsque les inconvénients de voisinage deviennent anormaux, il sera alors possible de poursuivre civilement son voisin et d’obtenir des dommages et/ou de faire cesser la nuisance. Les tribunaux2 vont regarder deux critères spécifiques importants pour déterminer s’il s’agit bel et bien d’un trouble de voisinage, soit la gravité et la récurrence.
Or, en zone agricole, il est possible, dans certaines situations, de faire échec à une telle poursuite. À cet eff et, la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles (LPTAA) prévoit une immunité aux articles 79.17 à 79.19.2 à l’encontre de recours civils pour certains inconvénients provenant d’activités agricoles, pour les personnes qui respectent la réglementation applicable.
Ainsi, en vertu de ces dispositions, aucune action en dommages-intérêts ou injonction ne peut être intentée contre un producteur en raison des bruits, des poussières ou des odeurs résultant de ses activités agricoles.
Pour que l’immunité s’applique, les critères suivants doivent être satisfaits :
- Il doit s’agir d’une activité agricole, exercée en zone agricole;
- Il doit s’agir d’un recours intenté en raison des poussières, des bruits et des odeurs provenant de l’activité agricole;
- Il doit s’agir d’un recours civil (et non d’un recours pénal).
Cette immunité s’appliquera à moins de pouvoir démontrer que le producteur a enfreint certaines normes environnementales et municipales. Les producteurs agricoles ne sont pas à l’abri des recours pour trouble de voisinage, lorsque l’immunité ne s’applique pas. Mais si la réglementation municipale est respectée par le producteur, les tribunaux ont alors tendance à tenir pour acquis que les limites de la tolérance que se doivent les voisins ne sont pas dépassées3.
Cela dit, les personnes qui habitent en milieu agricole doivent tolérer les inconvénients normaux propres à ce milieu, tels que les odeurs provenant d’une
ferme d’élevage4.
Pour conclure, il ne faut pas oublier que les règlements municipaux s’appliquent en zone agricole, bien que la LPTAA ait préséance5. Ainsi, en zone agricole, les municipalités peuvent remettre des constats d’infraction sur la base de règlements sur les nuisances.
1 RLRQ CCQ 1991 2 Ciment du Saint-Laurent inc. c. Barrette [2008] 3 R.C.S. 392 3 Simoneau c. Marion, C.S. no 235-17-000020-046, 8 août 2005 4 Tremblay c. Gagnon, C.S. no. 150-05-001424-897, 2005; Fermes Galiman inc. c. Osadschuk C.A. no. 500-09-016482-069,
2007 5 Art. 98 LPTAA
Par Me Carolyne Fauteux-Filion
Me Fauteux-Filion est diplômée de l’Université de Montréal depuis 2018 et est membre du Barreau de Montréal depuis 2019. Elle s’est jointe à l’équipe de BHLF Avocats en 2021. En plus de sa carrière en droit, Me Fauteux-Filion est détentrice d’un baccalauréat en urbanisme de l’Université du Québec à Montréal depuis 2015. Courriel : cfauteuxfilion@upa.qc.ca
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