La pandémie mondiale remet en question plusieurs assises sur lesquelles la société a évolué ces dernières années. On discute de sécurité alimentaire, de l’accès au matériel de protection pour ceux qui travaillent en milieu hospitalier, et même de l’accès à certains médicaments essentiels pour traiter les personnes atteintes. L’accès aux futurs vaccins pour traiter la COVID-19 est aussi une inquiétude.
Alors qu’on disait il n’y a pas si longtemps que la planète était devenue un grand village, on réalise maintenant qu’elle comporte plusieurs frontières et qu’en temps de crise, le nationalisme redevient populaire.
On parle de plus en plus d’autonomie et de sécurité alimentaires, autant ici qu’à l’étranger. Chacun définit à sa façon ce que devrait être l’agriculture. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’Union des producteurs agricoles (UPA) a récemment confié à l’Institut du Nouveau Monde le mandat d’établir un dialogue sur l’autonomie alimentaire entre les consommateurs et les producteurs agricoles. J’ai hâte de voir les résultats de cet exercice, attendus en décembre.
Pour l’UPA, ce changement d’orientation gouvernementale et l’intérêt renouvelé des citoyens sont très intéressants. Bien sûr, au-delà du discours, des gestes concrets sont attendus. En ce sens, le gouvernement du Québec a fait des annonces intéressantes concernant les achats institutionnels et la nouvelle campagne d’Aliments du Québec. On nous dit que d’autres annonces sont à venir.
Bien qu’on parle d’autonomie alimentaire, le Canada continuera d’importer des denrées agricoles et alimentaires durant plusieurs années encore, voire pour toujours, car le climat au nord du 49e parallèle nous impose des limites importantes. Le pays continuera aussi d’exporter, c’est inévitable. L’étendue de notre territoire, combiné à notre faible population, entraîne un excédent pour certaines productions alors que d’autres pays sont preneurs de ces mêmes denrées. Pensons aux céréales, à la viande, au sirop d’érable, aux bleuets sauvages et aux canneberges, pour ne nommer que ces productions.
Nous comprenons tous que le commerce international des denrées agricoles et alimentaires devra continuer. D’ailleurs, l’augmentation de la population mondiale l’exige. À l’inverse du Canada, plusieurs pays n’ont pas assez de terres agricoles pour nourrir leur population. Les échanges sont donc nécessaires.
Ce qui accroche toutefois, c’est la gouvernance de ces échanges. Les règles actuelles, en grande partie négociées à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), limitent les États dans leur capacité d’établir des politiques nationales d’autonomie alimentaire, au risque de se voir poursuivi devant les tribunaux.
Impossible de maintenir ou d’imposer des tarifs pour permettre le maintien d’une production locale de produits de base. Impossible aussi de limiter les importations « bon marché », qui détruisent la production locale. Parlez-en au pays de l’Afrique de l’Ouest.
Impossible également d’imposer aux produits importés les règles nationales en matière sociale ou environnementale. À titre d’exemples, le miel chinois qui inonde notre marché ou les fruits qui arrivent du Mexique et d’ailleurs.
Le poids économique démesuré de la Chine, des États-Unis et de l’Europe limite les autres nations dans l’exercice de leurs droits. Le Canada a remporté plusieurs causes contre les États-Unis au tribunal de l’OMC, mais sans jamais se prévaloir de son droit d’imposer des mesures compensatoires.
Pour toutes ces raisons, l’adoption d’une convention sur l’exception agricole et alimentaire est incontournable si l’on souhaite réellement développer l’autonomie alimentaire des nations. L’agriculture et l’alimentation sont trop importantes pour la sécurité nationale des États pour ne reposer que sur des règles de commerce. L’autonomie alimentaire est un enjeu universel. Elle doit être soutenue législativement par une convention internationale qui donnera aux aliments et à l’agriculture le traitement exceptionnel qui doit leur être réservé. C’est à cet objectif crucial que la Coalition pour l’exception agricole et alimentaire se consacre. Je vous invite donc à vous joindre à nous et à partager très largement ce projet porteur de convention.