Bien que toutes nos énergies soient encore consacrées à combattre la pandémie de COVID-19 et que l’on commence à voir la lumière au bout du tunnel, d’autres enjeux demeurent et exigeront des efforts coordonnés mondialement, à l’image de la lutte pour venir à bout de ce nouveau virus. Je pense bien sûr aux enjeux climatiques.
Quelques jours avant le congé des Fêtes, le premier ministre du Canada a annoncé son intention d’augmenter graduellement la taxe sur le carbone, voire de la quadrupler, pour que le pays atteigne ses objectifs de réduction de gaz à effet de serre (GES) et devienne carboneutre en 2050.
Le réchauffement climatique causé par l’activité humaine n’est plus à démontrer. Les changements climatiques anticipés auront des conséquences importantes sur notre environnement et nos vies. On en voit déjà les effets un peu partout dans le monde. Les sécheresses et les feux sans précédent qui dévastent la Californie et l’Australie, les ouragans et les tempêtes causant des inondations inédites et d’autres événements météorologiques de moindre ampleur, mais de plus en plus nombreux, font régulièrement les premières pages des médias. La solution passe donc par la décarbonisation de l’économie et de la consommation. Pour y arriver, les spécialistes proposent de taxer le carbone.
L’agriculture est responsable de 9 % des GES au Canada. Cependant, les solutions pour réduire notre dépendance au pétrole en agriculture sont rares. L’accès au gaz naturel et au réseau électrique triphasé demeure limité à quelques localités. Étant donné que nous avons peu d’options de substitution vers des énergies vertes, la taxation du carbone dans le secteur agricole aura pour principal effet d’augmenter nos coûts et celui des aliments.
Pour un citoyen qui vit à Montréal ou à Toronto, les solutions pour échapper à cette taxe existent et elle aura sans doute l’effet recherché. On subventionne actuellement à coup de milliards le développement du transport en commun, l’achat de voitures électriques, les bornes de recharge ainsi que la conversion d’entreprises manufacturières aux énergies vertes.
Un autre problème de la stratégie de taxation du carbone pour le secteur agricole est qu’elle n’est pas appliquée partout de façon uniforme. Déjà, le Québec fait cavalier seul au Canada en participant à la bourse carbone, avec la Californie. Les producteurs d’ici contribuent à hauteur de 40 M$ par année au Fond vert par le biais du coût des crédits carbone facturés sur chaque litre de pétrole vendu, alors que dans les autres provinces, l’agriculture est exemptée de la taxe carbone.
Il n’y a aucune mesure applicable aux produits importés des pays qui ne respectent pas les accords internationaux de réduction des GES. Il n’existe pas non plus de tarifs ni d’autres taxes pour qu’ils se soumettent aux conditions imposées aux agriculteurs québécois. Le commerce international n’intègre pas ces mesures de réciprocité et d’équité. Si les coûts d’une taxe carbone, ou ceux des crédits reliés à la bourse carbone augmentent de 400 % dans les provinces canadiennes, mais que les produits alimentaires et agricoles des États-Unis et du Mexique en sont exemptés, ce sera catastrophique pour nous.
Je comprends que les citoyens veulent que le gouvernement prenne des mesures. Moi-même, à titre de grand-parent, je me soucie de l’avenir de notre environnement pour nos petits-enfants. Mais l’augmentation de la taxe carbone sans mesure adaptée au secteur agricole est irréaliste. Là où les solutions de rechange existent, je n’ai pas de problème à ce que l’on double le prix du pétrole. Il faut une approche qui tienne compte des particularités de chaque secteur, de la collaboration avec les autres pays, et des gestes courageux, peut-être moins populaires en période électorale, mais nécessaires comme cela a été le cas dans la lutte à la COVID-19.