L’Union des producteurs agricoles (UPA) demande au gouvernement du Québec de soustraire entièrement la zone agricole permanente du développement des hydrocarbures. « La zone agricole ne représente que 4 % du territoire québécois. La moitié de cette superficie est déjà hypothéquée par l’étalement urbain, les routes, le captage d’eau souterraine, les aqueducs, les parcs éoliens, le transport d’électricité, les gazoducs, les oléoducs, les mines, etc. Le développement des hydrocarbures ne doit pas s’ajouter à cette longue liste », a déclaré le premier vice-président de l’UPA, Pierre Lemieux, en marge des consultations de la Commission de l’agriculture, des pêcheries, de l’énergie et des ressources naturelles (CAPERN) sur le projet de loi 106, Loi concernant la mise en œuvre de la Politique énergétique 2030 et modifiant diverses dispositions législatives.
La mise sur pied de la nouvelle loi sur les hydrocarbures est l’occasion d’assurer un développement des hydrocarbures respectueux des droits des propriétaires fonciers, qu’ils soient agricoles ou forestiers. Le projet de loi 106, contrairement à la Loi sur les mines, ne contient toutefois aucune disposition permettant aux municipalités d’exclure des secteurs considérés incompatibles avec l’exploration et l’exploitation pétrolière ou gazière. La loi sur les hydrocarbures est muette à cet égard, ce qui constitue un oubli majeur puisque le développement des hydrocarbures serait localisé principalement dans les basses terres et le long du littoral du fleuve Saint-Laurent, là où l’on retrouve des terres à fort potentiel agricole dont l’utilisation prioritaire doit être la pratique de l’agriculture.
L’UPA entend aussi rappeler aux membres de la CAPERN que l’article 1.1 de la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles prévoit « qu’il faut assurer la pérennité d’une base territoriale pour la pratique de l’agriculture et favoriser, dans une perspective de développement durable, la protection et le développement des activités et des entreprises agricoles ». Dans cette perspective, la soustraction de la zone agricole est un enjeu d’autonomie alimentaire que le gouvernement du Québec ne peut ignorer, d’autant plus que l’agriculture et la foresterie généreront toujours de la richesse contrairement à un puits qui fermera après l’exploitation de la ressource non renouvelable.
Pendant sa présentation aux membres de la CAPERN aujourd’hui en fin de journée, l’UPA fera aussi remarquer que le projet de loi 106 maintenait le droit d’expropriation des compagnies privées qui souhaitent exploiter des hydrocarbures. Pour Pierre Lemieux, « ce maintien va à l’encontre du principe de propriété privée. Ces demandes devraient être traitées comme des exceptions plutôt qu’être automatiquement prévues à la Loi ».
Certains promoteurs se servent en effet de leur capacité à exproprier pour conclure des ventes, faire signer des baux, établir des servitudes ou obtenir des autorisations d’accès, le tout à rabais auprès des propriétaires fonciers. L’UPA s’élève contre la possibilité de maintenir un droit d’expropriation à une entreprise privée. Ce droit devrait être utilisé de façon exceptionnelle et avec l’approbation de l’Assemblée nationale, comme cela a été le cas pour le dossier Pipeline Saint-Laurent en 2005.
Comme plusieurs autres groupes, l’UPA demandera que le projet de loi soit scindé en deux afin que la nouvelle Loi sur les hydrocarbures soit étudiée par les parlementaires de façon distincte aux autres dispositions proposées. Le projet de loi 106 est une pièce législative importante qui comprend deux grands enjeux, soit, d’une part, la mise en œuvre de la Politique énergétique 2030 et, d’autre part, l’adoption d’une loi encadrant le développement et la mise en valeur des hydrocarbures au Québec.
L’UPA est d’avis qu’un consensus social et politique se dégagera rapidement autour du premier objectif. Toutefois, à l’instar de la Loi sur les mines qui a dû faire l’objet de trois projets de loi avant d’être finalement adoptée, la future loi sur les hydrocarbures soulève des préoccupations sociales, environnementales, économiques et politiques d’envergure qui nécessiteront un travail colossal de la part des parlementaires, ce qui retardera d’autant la mise en œuvre de la politique énergétique du Québec. D’où la nécessité de scinder le projet de loi.
Le mémoire de l’UPA est disponible à l’adresse https://www.upa.qc.ca/fr/publications/2016/08/projet-de-loi-no-106-loi-concernant-la-mise-en-oeuvre-de-la-politique-energetique-2030-et-modifiant-diverses-dispositions-legislatives/ This link will open in a new window