L’achat d’une propriété en connaissance de cause peut faire perdre le droit de réclamer une indemnité. En vertu du droit en vigueur, un propriétaire peut réclamer une indemnité aux municipalités ayant adopté des règlements si restrictifs qu’ils ont pour effet de causer une expropriation déguisée sur leur propriété.
Qu’arrive-t-il lorsqu’une personne achète un terrain faisant déjà l’objet d’une telle réglementation en toute connaissance de cause? La Cour suprême a récemment refusé de revenir sur la position de la Cour d’appel à cet effet.
La notion d’expropriation déguisée
Pour qu’un règlement soit considéré comme ayant un effet d’expropriation déguisée, il doit équivaloir à une négation absolue de l’exercice du droit de propriété, c’est-à-dire de rendre l’usage impossible ou d’équivaloir à une véritable confiscation de l’immeuble. Pour reprendre les termes de la Cour d’appel dans l’arrêt Sula c. Cité de Duvernay1, « un règlement qui ne permet à un propriétaire aucun usage de son terrain n’est pas un règlement de zonage, mais une expropriation ».
En ces circonstances, les propriétaires affectés peuvent introduire un recours en dommages afin d’exiger que la ville acquière le terrain et verse une indemnité conséquente.
L’affaire Robitaille c. Ville de Sorel-Tracy
La Cour d’appel a toutefois établi que la seule existence d’une réglementation restrictive ne donne pas un droit automatique à quiconque de réclamer une indemnité en expropriation déguisée. En effet, dans l’affaire Robitaille c. Ville de Sorel-Tracy2, rendue le 2 juin 2022, la Cour d’appel a refusé d’accorder une indemnité puisque l’acheteur avait acquis un terrain affecté d’un zonage restrictif en toute connaissance de cause.
En juin 2014, M. Robitaille avait acheté un terrain dont le seul usage permis était l’aménagement d’un parc. Celui-ci était ainsi conscient au moment de l’acquisition qu’aucun développement n’était possible sur le terrain.
M. Robitaille avait tout de même intenté un recours en expropriation déguisée au motif que le zonage en vigueur empêchait tout usage raisonnable de son terrain et que la municipalité refusait de modifier cette situation.
La Cour d’appel a confirmé la décision de la Cour supérieure et a refusé d’accorder une indemnité à M. Robitaille au motif qu’il avait acheté le terrain en étant conscient de la situation, et qu’il devait donc savoir qu’il n’avait aucune garantie de pouvoir concrétiser son projet. En effet, le fait d’avoir constaté qu’il ne réussirait pas à faire modifier le règlement de zonage ne lui confère aucun droit additionnel. La permission d’appeler de cette décision a récemment été rejetée par la Cour suprême.
Cette affaire limite ainsi la possibilité de réclamer une indemnité en expropriation déguisée dans certaines situations et renchérit l’importance de vérifier les usages autorisés sur un terrain avant d’en faire l’acquisition.
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La chronique juridique est une vulgarisation de l’état du droit en vigueur et ne constitue pas une opinion, un conseil ou un avis juridique. Nous vous invitons à consulter un avocat ou un notaire pour connaître les règles particulières applicables à une situation donnée.
1 [1970] C.A. 234
2 2022 QCCA 773