Le 17 octobre dernier, j’ai eu l’occasion de m’adresser à des intervenants du milieu des affaires et du secteur agroalimentaire à l’occasion d’un déjeuner-causerie du Conseil des relations internationales de Montréal (CORIM). La mission de cette tribune est de favoriser une plus grande connaissance des enjeux internationaux. La mondialisation des aliments fait assurément partie de ces enjeux, comme en témoigne l’augmentation du commerce mondial des aliments entre 2000 et 2021 (+ 350 %).
Cette accélération devrait continuer au cours des prochaines années, avec une population mondiale estimée à 10 milliards de personnes d’ici 2050 (+ 60 % de la demande alimentaire). Pour nos secteurs de production qui exportent beaucoup, c’est une belle occasion. Le Québec est d’ailleurs un leader en matière de porc, d’érable et de canneberges. On constate aussi une croissance intéressante en ce qui concerne les grains, les céréales et les fruits et légumes.
La demande alimentaire va aussi augmenter plus près de chez nous (population canadienne : + 28 % d’ici 2050; québécoise : + 10 %). Tous les secteurs de production ont donc un potentiel de croissance intéressant (+ 23 % d’ici 2030 selon une étude produite en 2022), si toutes les conditions sont réunies. La situation n’est toutefois pas toujours optimale au chapitre du développement des marchés. À titre d’exemple, 7 ans après l’entrée en vigueur de l’Accord Canada-Europe, nos produits carnés rencontrent encore beaucoup d’obstacles sur les marchés européens. Nos secteurs sous gestion de l’offre (40 % du marché agricole québécois) ont quant à eux payé le gros prix pour la conclusion des trois derniers accords commerciaux.
Le Canada et le Québec ont aussi beaucoup du chemin à faire au chapitre du soutien pour faire face aux changements climatiques et aux attentes sociétales. Selon une récente étude de RBC Banque Royale, les producteurs agricoles canadiens reçoivent un soutien moins élevé que celui accordé aux producteurs d’autres pays comparables (trois fois moins qu’aux États-Unis, toutes proportions gardées).
Tout le monde est pour l’ouverture des marchés, y compris dans l’agroalimentaire. Elle doit toutefois se traduire par un commerce plus équitable et plus prospère. C’est le projet de société que souhaitent les citoyens d’ici et d’ailleurs dans le monde. Or, déstabiliser des secteurs agroalimentaires qui font vivre des milliers de familles et des centaines de municipalités rurales au pays, promettre des parts de marché à l’étranger qui se matérialisent plus ou moins et mettre nos producteurs en compétition avec des entreprises étrangères qui n’ont pas les mêmes normes sociales et environnementales que chez nous va à l’encontre de cet objectif.
Heureusement, je ne suis pas le seul à le penser. Depuis 1993, UPA Développement international multiplie ses interventions en Afrique, en Asie, au Moyen-Orient, en Amérique latine et dans les Caraïbes pour promouvoir un modèle de développement agricole durable et inclusif. Le projet de Convention internationale pour une alimentation durable, porté par la Coalition Nourrir l’humanité durablement, gagne quant à lui de plus en plus d’appuis au Québec et ailleurs dans le monde.
En compagnie du modérateur de l’événement (Jérôme Dupras, professeur au Département des sciences naturelles de l’Université du Québec en Outaouais [UQO] et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en économie écologique), j’ai abordé les nombreuses réalisations agroenvironnementales du milieu agricole québécois. On ne le dit pas assez souvent, d’autant plus que les gouvernements prennent de plus en plus d’engagements qui touchent directement les agriculteurs du monde entier, sans toujours les consulter.
C’était d’ailleurs la conclusion du Colloque international Agriculture, biodiversité et sécurité alimentaire : des engagements aux actions, le printemps dernier à Québec. C’était aussi le sens des trois sommets agroenvironnementaux (2019, 2022 et 2024) organisés par l’UPA et l’UQO. En février, la troisième édition a encore une fois été l’occasion de tisser des liens entre les producteurs, les chercheurs et les intervenants du milieu. Le maillage des connaissances, des expertises et des idées favorise l’atteinte de nos objectifs au Québec, au Canada et partout sur la planète. Tous les forums internationaux où on prend des décisions qui affectent l’agriculture devraient s’en inspirer.
Les productrices et producteurs du Québec ont tous les ingrédients pour participer à l’atteinte d’objectifs nationaux et internationaux ambitieux. Ils veulent et doivent faire partie de la solution.