La saison de motoneige 2022-2023 a pris du temps à démarrer dans certains secteurs. Plusieurs s’inquiétaient, en début d’année, du peu d’accumulations de neige, mais Dame Nature a semblé comprendre le message : un bon nombre de régions ont reçu le double des précipitations qui tombent habituellement en janvier.
La pratique de la motoneige est un loisir extraordinaire. Elle engendre environ 14 000 emplois au Québec et génère des retombées économiques de plus de 3 G$ chaque année, principalement dans nos régions. Elle favorise le tourisme à une période de l’année où ce secteur en a bien besoin. Il s’agit d’un véritable fleuron, en grande partie grâce à la générosité de dizaines de milliers de propriétaires fonciers (incluant des producteurs agricoles et forestiers) qui octroient gratuitement des droits de passage à leurs clubs de motoneigistes locaux (environ 50 % des 33 000 kilomètres de sentiers au Québec).
Malheureusement, malgré la sensibilisation, les affiches et les avertissements, un trop grand nombre d’adeptes continuent d’ignorer les consignes et circulent comme bon leur semble sur les terres privées. Ce comportement délinquant met à mal la tolérance des propriétaires, qui rendent généreusement service à la communauté et qui contribuent, du même coup, au développement économique de la collectivité.
Le passage de motoneiges sur les terres agricoles nuit à la production de plusieurs récoltes, car une neige compactée perd sa qualité isolante et entraîne un gel au sol qui nuit à la végétation et aux cultures. Les producteurs acceptent cette conséquence sur les sentiers, mais la circulation hors sentier multiplie de beaucoup les pertes directes aux champs. Les équipements abîmés (broches, barrières, machinerie, cadenas, etc.) et les déchets mettent aussi à rude épreuve la patience des producteurs. Des cannettes d’aluminium ont même trouvé leur chemin jusque dans la nourriture des animaux de ferme.
La sécurité est aussi un enjeu. Les sentiers balisés assurent que le passage est sécuritaire. Les motoneigistes qui choisissent de quitter les sentiers s’exposent à plusieurs dangers cachés sous la neige, comme des dénivelés, des amas de roches ou des surfaces d’eau non gelées. Les motoneiges spécialement conçues pour la circulation hors sentier, de plus en plus populaires, favorisent ce type de comportement dangereux et inacceptable.
La hausse des comportements délinquants pourrait éventuellement compromettre les bonnes relations entre les producteurs et les clubs de motoneigistes, ce qui rendrait beaucoup plus difficile la pratique de ce loisir. Ces dernières semaines, plusieurs régions comme l’Abitibi-Témiscamingue, le Bas-Saint-Laurent, la Montérégie et le Saguenay–Lac-Saint-Jean ont fait publiquement état de leur exaspération. L’Association des producteurs de gazon du Québec, l’Association québécoise des producteurs en pépinière et l’Association des producteurs d’arbres de Noël du Québec ont aussi dénoncé la situation.
Si la situation perdure, la Fédération des clubs de motoneigistes du Québec (un partenaire apprécié de l’Union), les autorités publiques, les fabricants et les vendeurs de motoneiges devront agir rapidement. L’usage des modèles de motoneiges hors-pistes devra être balisé, et le non-respect des propriétés privées, pénalisé de façon suffisamment sérieuse pour décourager ce comportement. Personne ne souhaite en arriver là, mais un grand nombre de producteurs sont à bout de patience. Et avec raison.
Les producteurs acceptent volontiers de céder un droit de passage sur leurs terres pour les sentiers balisés. Mais l’insouciance persistante de certains adeptes pourrait être lourde de conséquences sur l’avenir de la motoneige au Québec. Il serait dommage de mettre en péril ce que des milliers de producteurs et de bénévoles ont pris des années à bâtir à cause d’individus irresponsables et irrespectueux. Le civisme doit primer, en toutes circonstances.