Le premier ministre du Québec, François Legault, a récemment indiqué qu’il envisageait de limiter le nombre de résidents non permanents. Rappelant que plus de 528 000 immigrants temporaires séjournent actuellement dans la province (46 % de plus que l’an dernier), ce dernier a demandé à la ministre de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration, Christine Fréchette, d’évaluer la pertinence de resserrer les règles d’admission.
Les travailleurs étrangers temporaires (TET), tous secteurs confondus, forment le plus gros contingent de résidents non permanents au Québec. Ils sont près de 226 000, si l’on inclut les membres de leur famille (61 % de plus qu’il y a un an). La pénurie de main-d’œuvre qui afflige plusieurs secteurs économiques fait certainement partie des raisons qui expliquent cette augmentation substantielle.
L’agriculture subit toutefois cette pénurie depuis beaucoup plus longtemps que la majorité des autres secteurs économiques, d’où la création, il y a plus de 50 ans, du Programme des travailleurs étrangers temporaires et du Programme des travailleurs agricoles saisonniers. Resserrer les règles d’admission, ou freiner l’arrivée des TET de quelque façon que ce soit, serait donc désastreux pour l’agriculture québécoise.
Les TET représentent environ le tiers (22 000) de la main-d’œuvre agricole et sont essentiels à l’autonomie et à la sécurité alimentaire du Québec. Les quelque 2 000 employeurs agricoles qui ont recours à leurs services savent très bien à quel point ces milliers de travailleurs en provenance du Mexique, du Guatemala et d’autres pays sont indispensables à l’agriculture québécoise, plus particulièrement dans le secteur horticole.
Rappelons que la disponibilité des travailleurs locaux n’est pas complètement inexistante, mais qu’elle est insuffisante pour combler tous les besoins. C’est pourquoi nous réclamons depuis plusieurs années un recours facilité à la main-d’œuvre agricole étrangère, à tous les égards (incluant l’actuel fardeau administratif, inéquitable comparativement aux autres provinces).
L’importance de cette main-d’œuvre explique aussi pourquoi les employeurs agricoles sont depuis toujours sensibles au bien-être des TET. Les productrices et producteurs peuvent d’ailleurs compter sur l’expertise des centres d’emploi agricole et du Comité sectoriel de main-d’œuvre de la production agricole (AGRIcarrières) à cet égard. Ils sont aussi bien au fait de leurs obligations et responsabilités à l’endroit des TET, en raison notamment des formations offertes et de l’information que nous leur fournissons.
Ajoutons que la Table de concertation sur les TET agricoles traite, depuis 2018, des grands enjeux rencontrés par les TET et les employeurs. Réunissant une multitude d’organisations agricoles, gouvernementales, civiles et sectorielles, cette mise en commun des enjeux et des solutions s’inscrit en complémentarité avec les actions du Réseau d’aide aux travailleuses et travailleurs migrants agricoles du Québec (RATTMAQ) et du Centre d’emploi agricole de la Fédération de l’UPA de la Montérégie, qui offrent des services d’accompagnement aux travailleurs migrants. Rappelons aussi que l’UPA, la Fondation des entreprises en recrutement de main-d’œuvre agricole étrangère et le RATTMAQ ont annoncé, en 2022, la conclusion d’une entente de collaboration visant à assurer un environnement de travail sain, sécuritaire et respectueux des droits des TET.
Rappelons aussi, nonobstant les critiques dans certains milieux, que les TET bénéficient des mêmes droits que les travailleurs québécois et que leur rémunération est généralement plus avantageuse que dans leur pays d’origine, ce qui leur permet de contribuer au bien-être de leur famille et à l’essor économique de leur propre communauté. Il s’agit donc d’une formule résolument « gagnant-gagnant ».
Au bout du compte, entraver de quelque façon que ce soit la venue de ces travailleurs en agriculture serait une grave erreur. À l’instar des transformateurs alimentaires (qui ont aussi recours à cette main-d’œuvre), les productrices et producteurs apprécient grandement le travail irréprochable de ces milliers d’hommes et de femmes qui parcourent de grandes distances pour les appuyer dans leur mission fondamentale, c’est-à-dire nourrir leurs concitoyens. L’accès à ces travailleurs, qui évoluent dans un écosystème efficace et concerté ayant fait ses preuves, est donc une priorité économique et alimentaire à la fois inébranlable et non négociable.