Le samedi 7 décembre, 11 militants véganes se sont introduits dans une ferme porcine de Saint-Hyacinthe. Cette intrusion illégale à la ferme de la famille Grégoire s’inscrit dans une série d’actes, malheureusement de plus en plus fréquents, de la part d’activistes qui veulent mettre fin à l’élevage et à la consommation de produits d’origine animale. Le 31 octobre, une vingtaine de porcs ont été retrouvés à l’extérieur d’une porcherie située à quelques kilomètres de là. D’autres gestes de même nature ont été perpétrés l’an dernier en Ontario, en Colombie-Britannique et en Alberta. Ces activistes visent toute la filière, des producteurs aux détaillants.
En Europe, notamment en France, les actes de vandalisme contre des boucheries sont fréquents. Des exploitations agricoles ont même été incendiées, portant les mentions « assassins » et « camp de la mort ». Quand on parle d’introductions par effraction ou d’incendies, il ne s’agit plus de manifestations visant à sensibiliser le public. Il s’agit d’actes criminels fortement réprouvés par la société. Ces coups d’éclat vont beaucoup plus loin et visent à imposer une idéologie par la diffamation, la propagande, la menace et la peur. Des producteurs que j’ai rencontrés en Europe envisagent maintenant de s’organiser eux-mêmes s’ils sont attaqués de la sorte. Le milieu est nerveux. Des gestes malheureux pourraient survenir. Il ne faut pas attendre que cela arrive.
Des coups d’éclat de même nature, en Alberta et en Ontario, ont été pris au sérieux et les gouvernements ont commencé à bouger. Déposé en décembre dernier, un projet de loi ontarien intitulé Security from Trespass and Animal Safety Act prévoit notamment des amendes pouvant aller jusqu’à 15 000 $ pour une première entrée par effraction dans un abattoir ou une ferme et jusqu’à 25 000 $ pour les suivantes. L’Alberta a déjà adopté un amendement législatif similaire, en novembre.
Au Québec, les lois actuelles ne prévoient pas ce genre d’action par des activistes qui mettent en danger les animaux en ne respectant pas les règles de biosécurité en vigueur dans les fermes. En plus des conséquences sur le statut sanitaire et le bien-être des animaux, de tels gestes constituent une menace pour la sécurité des familles agricoles et créent un stress important pour les agriculteurs. À la suite de l’intrusion du 7 décembre, des éleveurs ont décidé de cesser de promouvoir leur profession par crainte de représailles. Jusqu’où iront les activistes si les intrusions dans les fermes et les menaces envers les éleveurs n’entraînent que peu de conséquences? Le gouvernement du Québec doit ajuster ses lois, comme le font actuellement l’Ontario et l’Alberta.
Il n’est pas question ici de critiquer les choix alimentaires des gens. Tous sont libres de manger ce qui leur convient ou ce qui est conforme à leurs valeurs éthiques ou spirituelles. Les activistes antispécistes et véganes peuvent manifester leur mécontentement et défendre leurs idées sans s’attaquer directement aux éleveurs, à leurs familles et aux gens qui travaillent dans le secteur des viandes. Ils peuvent manifester dans la rue, devant les parlements, écrire à leurs députés, faire signer des pétitions ou y aller de campagnes médias.
Dans une lettre adressée récemment au ministre de l’Agriculture, André Lamontagne, à la ministre de la Justice, Sonia LeBel, et à la ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, le président des Éleveurs de porcs du Québec, David Duval, demandait au gouvernement québécois de légiférer afin « d’assurer la sécurité des agriculteurs québécois, de leurs familles, des travailleurs du secteur agroalimentaire et des animaux d’élevage ». J’espère que le gouvernement sera à l’écoute et qu’il agira promptement.
Éditorial La Terre de chez nous
Édition du 15 janvier 2020
Marcel Groleau, président général