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Bayer-Monsanto : une fusion qui nous concerne tous

Publié le 29 septembre 2016 - Écrit par Marcel Groleau, président général

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L’acquisition récente de Monsanto, géant mondial des biotechnologies agricoles, par la société allemande Bayer, a fait beaucoup jaser ces dernières semaines. D’abord à cause du montant exorbitant de ce rachat : 66 G$ US. Selon Reuters, il s’agit de la plus importante acquisition jamais conclue, devant celle qui a vu le brasseur InBev acheter Anheuser-Busch pour 60,4 G$ US, en 2008.

Ensuite parce que cette transaction concentre davantage les grandes multinationales et augmente leur contrôle sur notre garde-manger. Avant la transaction, Bayer et Monsanto détenaient respectivement 20 % et 9 % des parts de marchés mondiaux des produits phytosanitaires. Monsanto était cependant leader dans les semences. Avec la fusion, la nouvelle entité devient de facto le numéro un mondial des semences et des pesticides, avec un chiffre d’affaires annuel de 26 G$ US. À titre de comparaison, les ventes de Dow-DuPont et de ChemChina (incluant Syngenta) en 2015 étaient respectivement de 15 G$ US et de 17,5 G$ US. À eux trois, ces géants détiendront plus de 50 % du marché mondial.

Cette transaction est à l’image d’une série de fusions et d’acquisitions ces dernières années. Les multinationales dans plusieurs secteurs d’activité disposent de sommes colossales. Elles sont toutes à l’affût d’acquisitions qui permettent d’augmenter leur capitalisation tout en sécurisant leur rendement. Leur objectif : occuper une position dominante sur le marché en éliminant la concurrence. Selon une étude d’A.T. Kearney, les fusions et les acquisitions dans l’industrie chimique mondiale ont connu une progression de 30 % en 2015 et pourraient doubler en 2016. Je pense notamment à la fusion récente des deux géants canadiens PotashCorp et Agrium. Ou encore à la fusion de Dow Chemical et de DuPont, en 2015, et à l’achat de Syngenta AG par le groupe chinois ChemChina, en début d’année.

Les conséquences de ces consolidations, en amont et en aval de la production, risquent d’être importantes.

À l’échelle mondiale, les secteurs de la fourniture d’intrants agricoles (alimentation animale, machinerie et équipements, semences, engrais et pesticides), de la première transformation (abattage, commercialisation des grains), de la distribution et du détail sont de plus en plus concentrés et intégrés verticalement. De moins en moins d’intervenants ont de plus en plus d’emprise sur les 1,5 milliard d’agriculteurs et les 7 milliards d’êtres humains qui doivent se nourrir chaque jour.

Les intrants agricoles sont nécessaires. La demande pour ces produits est en croissance et, en pratique, incompressible, car on peut difficilement les remplacer. Une demande forte et un nombre limité de fournisseurs entraîneront une pression à la hausse sur le prix de ces intrants, qui sera ultimement refilée aux consommateurs. L’impact sur le prix du panier d’épicerie sera bien réel. Or, les prix des aliments s’accroissent déjà plus vite que l’inflation. De 2007 à 2012 au Canada, ils ont en effet augmenté plus rapidement que ceux de toute autre composante principale de l’Indice des prix à la consommation (IPC). Leur hausse cumulée a été de 19 %, alors que la progression cumulée de l’IPC d’ensemble (excluant les aliments) s’est chiffrée à 10,7 %. Au cours de cette période, les prix des aliments ont augmenté en moyenne de 3,5 % par année, comparativement à 2,1 % pour l’IPC d’ensemble.

On peut aussi craindre une perte accrue au regard de la diversité alimentaire. L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) estime qu’environ les trois quarts de la diversité génétique des plantes cultivées ont disparu au cours du XXe siècle. À l’heure actuelle, l’essentiel de l’alimentation humaine, au niveau planétaire, repose sur seulement 12 espèces végétales et 14 espèces animales.

Toutes ces données sont inquiétantes et portent à réfléchir. Qui détiendra le pouvoir de nourrir le monde et d’assurer notre sécurité alimentaire? Comment les États pourront-ils encadrer ces oligopoles? Comment les priorités de recherche pour les nouveaux cultivars seront-elles déterminées? Cette vague de fusions soulève plusieurs questions fondamentales et ça nous concerne tous.