Sans grande surprise, le gouvernement du Québec a profité de son discours sur le budget 2023-2024 pour aller de l’avant avec une baisse importante des impôts (9,2 G$ sur six ans, soit environ 1,7 G$ par année). Il s’agissait, rappelons-le, d’une des promesses phares de la Coalition avenir Québec (CAQ) lors de la dernière campagne électorale.
En agriculture, on trouve des bonnes et des moins bonnes nouvelles. On peut certainement saluer le maintien des budgets permettant de poursuivre le financement de la Politique bioalimentaire 2018-2025, d’accroître l’autonomie alimentaire du Québec, de soutenir les investissements agricoles à caractère durable et d’accroître les efforts visant à assurer le bien-être animal (813 M$ d’ici 2027-2028). Il ne s’agit pas d’argent « neuf », mais ces montants sont tout de même destinés à la poursuite d’initiatives que nous n’avons pas manqué de souligner pendant la campagne électorale.
Parmi les moins bonnes nouvelles, il faut certainement mentionner les nouveaux montants destinés à l’Initiative ministérielle de rétribution des pratiques agroenvironnementales, qui connaît un franc succès depuis sa création, il y a deux ans. Quelque 1 850 entreprises agricoles se sont inscrites à la première cohorte en février 2022 (56 M$ sur quatre ans). Près de 1 100 entreprises supplémentaires se sont inscrites à la deuxième ces dernières semaines (29 M$ sur cinq ans). Les 23,2 M$ sur deux ans annoncés dans le discours sur le budget ne sont donc définitivement pas à la hauteur du succès de cette initiative, des attentes sociétales et de la très forte adhésion des productrices et producteurs.
La décision de ne pas venir en aide aux entreprises qui vivent très difficilement la hausse fulgurante de l’inflation, des coûts de production (plus particulièrement le carburant, les engrais et l’alimentation animale) et des taux d’intérêt est une autre grande déception. Rappelons que la croissance des prix des intrants agricoles (27,9 %) a été presque trois fois supérieure à celle de l’Indice des prix à la consommation (11,8 %) entre janvier 2020 et septembre 2022. Ajoutons que la Banque du Canada a augmenté à huit reprises son taux directeur entre mars 2022 et janvier 2023 et que près de la moitié des prêts agricoles seront renouvelés au cours de la prochaine année. Les prochains mois s’annoncent donc difficiles pour un nombre croissant d’entreprises.
Diminuer de 1 % le budget de La Financière agricole du Québec (FADQ) et n’augmenter que très légèrement (5,6 %) celui du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (le budget du ministère a très peu bougé ces 10 dernières années) sont aussi des choix décevants. Rappelons que 8 $ d’actifs sont nécessaires pour chaque dollar de recettes en agriculture, un ratio de beaucoup supérieur à plusieurs autres secteurs économiques. Cela explique, en très grande partie, l’ampleur des investissements requis, le niveau élevé de la dette agricole qui en résulte (environ 27 G$ au Québec en 2022) et, conséquemment, l’impact très important de chaque fluctuation des taux d’intérêt sur la pérennité des fermes de la province.
Les choix budgétaires de cette année sont donc mal avisés compte tenu du nombre grandissant de productrices et de producteurs, plus particulièrement des jeunes de la relève en raison de leur endettement plus élevé, qui se demandent comment ils pourront sortir indemnes de ce contexte économique difficile. Au moment où de plus en plus d’entreprises agricoles réclament un soutien gouvernemental d’urgence pour continuer de nourrir les Québécoises et les Québécois, l’heure n’était pas à limiter, voire à diminuer la marge de manœuvre des institutions publiques à qui il appartient de donner suite à cette demande légitime et pressante.