La vice-première ministre et ministre des Finances du Canada, Chrystia Freeland, a présenté son budget à la Chambre des communes le mardi 28 mars dernier.
Le remboursement unique pour les articles d’épicerie, une mesure de 2,5 G$ qui profitera à 11 millions de personnes et de familles, est l’une des mesures qui ont le plus retenu l’attention. Certains intervenants ont mis en doute son impact réel (467 $ pour les couples avec deux enfants, soit 9 $ par semaine). D’autres ont rappelé que la plupart des produits alimentaires de base (fruits, légumes, œufs, pains et céréales, poissons, produits laitiers et viandes) sont déjà détaxés. Il reste que l’augmentation du prix des aliments est une préoccupation légitime partout au pays et qu’un geste devait être posé.
Une réponse canadienne à la loi américaine sur la réduction de l’inflation (Inflation Reduction Act) était aussi requise, comme le laissait entendre Mme Freeland ces derniers mois. Le budget prévoit 80 G$ sur douze ans pour de nouveaux outils visant à « investir dans l’économie propre » (crédits d’impôt à l’investissement dans l’électricité propre, financement stratégique à faible coût, etc.). Nous sommes loin des 739 G$ américains sur dix ans, dont 22,6 G$ exclusivement pour le secteur agricole, mais c’est tout de même un investissement significatif.
Du côté agricole, le budget fédéral prévoit 34,1 M$ sur trois ans au Fonds d’action à la ferme pour le climat, dans la foulée des tarifs douaniers perçus sur les engrais russes et bélarusses depuis mars 2022. Les producteurs ont toutefois déboursé ces montants en une seule année (et non trois). Cet argent est donc déjà perçu. Le budget prévoit aussi une clarification des règles instaurées par le projet de loi C-208 (transferts intergénérationnels) ainsi qu’une ouverture à étendre sa portée aux neveux et nièces. Cette mesure, qui répond à des demandes spécifiques de l’UPA et de la relève, sera bien accueillie.
Parmi les autres mesures agricoles, mentionnons les 13 M$ pour augmenter le plafond de la partie sans intérêt des prêts du Programme de paiements anticipés, les 333 M$ sur dix ans pour soutenir la recherche et le développement de nouveaux produits à base de solides non gras et les 57,5 M$ sur cinq ans pour la création d’une banque de vaccins contre la fièvre aphteuse.
Toutefois, le budget de Mme Freeland, à l’instar de celui du gouvernement du Québec, ne prévoit aucune aide spécifique aux entreprises agricoles qui vivent très difficilement l’inflation et la flambée des taux d’intérêt. Un grand nombre de fermes, plus particulièrement en démarrage et dans certains secteurs de production, s’interrogent actuellement sur leur avenir. Des interventions budgétaires vigoureuses étaient nécessaires dès cette année.
Cela dit, en cette période d’incertitude économique, le budget du gouvernement du Québec prévoit tout de même des « provisions pour éventualité » de 4 G$ au cours des quatre prochaines années. Les budgets fédéraux dévolus à l’économie propre prévoient de leur côté une ouverture à « des investissements et des programmes ciblés, si nécessaire, pour répondre aux besoins particuliers des secteurs ». Il est impératif de réserver une partie de ces montants pour les entreprises agricoles en difficulté, actuelles et à venir.
Le premier ministre Justin Trudeau et la ministre Marie-Claude Bibeau ont écouté avec beaucoup d’intérêt et d’empathie les témoignages éloquents d’agricultrices, d’agriculteurs et de jeunes de la relève lors d’une récente séance de discussion à la Maison de l’UPA. Mme Bibeau et le ministre André Lamontagne ont aussi beaucoup insisté sur la « résilience » du secteur, le 27 mars dernier, lors de la signature du nouveau Partenariat canadien pour une agriculture durable. J’ajouterais toutefois que le soutien pour assurer la pérennité du secteur, au-delà de la résilience, est tout aussi important. Dans ce cadre, espérons que la sensibilité aux enjeux pressants des entreprises agricoles en difficulté se transposera rapidement en gestes concrets, tant à Québec qu’à Ottawa. C’est l’avenir de l’autonomie alimentaire de la province et du pays qui en dépend.