Les Éleveurs de porcs du Québec (EPQ) et les Acheteurs ont annoncé, le 18 avril dernier, être parvenus à une entente pour le renouvellement de la Convention de la mise en marché des porcs. Cette annonce met un terme à un processus de négociation et de conciliation s’échelonnant sur plus de quinze mois.
Selon les parties prenantes, l’entente prévoit une formule de prix « plus prévisible » qui a pour effet de « partager les risques et les bénéfices liés à la mise en marché du porc ». Le prix de base, fixé au cours de la première année, correspondra à 85 % de la valeur reconstituée d’une carcasse de porc et transitera vers 88 % au début de la troisième année. La formule prévoit une bonification en fonction des profits du secteur Porcs frais Est générés par Olymel. Les autres Acheteurs (Aliments Asta, duBreton, Viandes Giroux, CBCo Alliance et L.G. Hébert et Fils) paieront un complément de prix égal à celui payé par Olymel.
L’entente prévoit également une réduction ainsi qu’un écoulement « harmonieux » de la production porcine par l’intermédiaire du mécanisme de retrait mis en place par les EPQ, du maintien temporaire des activités à l’usine de Vallée-Jonction, de la fin des achats de porcs en Ontario et de la création d’un comité de travail permanent.
L’ensemble des intervenants se sont dits satisfaits de la nouvelle convention. Ces derniers ont parlé des « défis de la filière » et de « confiance en l’avenir », tout en rappelant les retombées économiques importantes de la filière porcine (contribution au PIB de l’ordre de 3,7 G$; 38 000 emplois; 668,4 M$ en revenus pour les deux paliers de gouvernement). Les partenaires de la filière ont aussi rappelé qu’ils ont fait face à plusieurs difficultés ces dernières années : pandémie, surplus de porcs à écouler, pénurie de main-d’œuvre, suspension des exportations vers la Chine, grève, contexte mondial défavorable, etc.
Réduire d’un million la production de porcs, sur un volume annuel de 6,8 millions, n’est toutefois pas sans conséquences. Véritable fleuron pour le Québec, deuxième production agricole en importance (près de 2 G$ de ventes à la ferme en 2022) et principal produit d’exportation bioalimentaire (environ 1,7 G$ en 2022, soit l’équivalent des exportations d’électricité ces dernières années), la production porcine fait non seulement vivre plus d’un millier d’éleveurs, mais aussi des centaines de fournisseurs, en l’occurrence agricoles. Rappelons à cet égard que plus de 80 % des grains produits au Québec sont utilisés pour l’alimentation animale et qu’environ 65 % de cette production est destinée au secteur porcin (source : MAPAQ). Ces grains sont également transportés, transformés, emballés, livrés, etc.
Les éleveurs de porcs de la province sont parmi les plus performants sur la planète et ont fait preuve d’une résilience exemplaire dans des circonstances exceptionnellement difficiles ces dernières années. Ils ont aussi répondu fièrement aux appels répétés à l’adoption de pratiques toujours plus durables et à la conquête des marchés mondiaux. Le retrait de centaines d’entre eux entraînera nécessairement des conséquences sur leur environnement. Ces familles participent pleinement à la vitalité économique de plusieurs villages dans toutes les régions du Québec. Elles font leur épicerie, envoient leurs enfants à l’école, fréquentent les commerces du secteur, paient des taxes municipales, etc. Espoir en l’avenir ou non, nous nous dirigeons tout de même vers un trou béant dans la ruralité.
Quelques jours avant l’annonce d’une nouvelle convention, l’UPA a demandé au gouvernement du Québec et au ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec un diagnostic neutre et indépendant sur la situation dans l’industrie porcine, au bénéfice de tous les intervenants du milieu et du grand public. La nouvelle entente ne change en rien le fondement ou la légitimité de cette demande. La convention est accompagnée d’une facture que les éleveurs et La Financière agricole du Québec (ultimement l’ensemble des producteurs et des contribuables) devront assumer. La raison d’être de ces fonds, censés protéger les entreprises agricoles contre les fluctuations des prix du marché et des coûts de production, n’est pas de financer la restructuration d’un transformateur. Le soutien provincial et fédéral actuel et à venir doit tenir compte de cette réalité.