En juin dernier, dans l’affaire Cotnoir c. Ferme Domar1, la Cour du Québec a rendu un jugement portant sur une demande en dommages-intérêts d’une courtière immobilière et son agence contre une entreprise agricole pour avoir empêché la libre exécution d’un contrat de courtage que l’entreprise avait conclu. La courtière et son agence, spécialisées dans le domaine agricole, réclamaient à l’entreprise un montant de 80 000 $.
Le Tribunal a refusé d’accorder cette indemnité à la courtière et son agence, jugeant que le contrat de courtage n’avait pas été conclu légalement et que la courtière avait commis une faute dans ses obligations de prestation de service eu égard à ce type de contrat.
Signature du contrat
D’une part, la Cour reproche à la courtière immobilière (Mme Cotnoir) d’avoir incité les représentants de l’entreprise, de façon pressante et abusive, à recourir à ses services professionnels et à signer le contrat de courtage. À ce sujet, la Cour mentionne :
[49] Le Tribunal constate d’emblée le peu de sensibilité de madame Cotnoir au sujet de l’ambivalence clairement démontrée par Dominique dans la laiterie. Le Tribunal ne peut se satisfaire de ses déclarations que messieurs Bégin ont signé le contrat de courtage, qu’ils n’avaient qu’à ne pas le signer, qu’ils ont plié, qu’« ils ne sont pas des enfants d’écoles [sic] » ou qu’ils sont « quand même des gens d’affaires avec des actifs de plusieurs millions ». Messieurs Bégin signaient un contrat de courtage pour la première fois.
Droit à la résiliation
D’autre part, la Cour rappelle que l’entreprise bénéficiait d’un droit à la résiliation du contrat de service en vertu de l’article 2125 C.c.Q., à moins qu’elle y ait renoncé. Or, la preuve avait démontré de façon prépondérante que préalablement à la signature du contrat, la renonciation au droit de résilier le contrat n’avait pas été discutée.
Valeur marchande de la ferme
La Cour conclut également que la courtière a commis une faute en établissant la valeur marchande de la ferme de façon approximative, au détriment de celle-ci, et ce, dans le but d’en faciliter la vente plus rapidement.
Devoir d’accompagnement et de conseils
Enfin, la Cour rappelle que la courtière avait le devoir d’accompagner les représentants de l’entreprise, de les conseiller, de les informer et de bien leur expliquer le contrat de courtage, ce qu’elle n’a pas fait. La Cour rappelle qu’à titre de prestataire de services, les courtiers sont soumis à plusieurs obligations, dont celles prévues au Code civil du Québec2 et au Règlement sur les conditions d’exercice d’une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité3. Dans l’affaire Buisson c. David4, la Cour a résumé les obligations qui incombent aux courtiers immobiliers : [39] En vertu de ces diverses obligations, le courtier ou l’agent immobilier doit donc agir au mieux des intérêts de son client et éviter les conflits d’intérêts. Il doit protéger les intérêts de son client, l’informer de tout facteur qui peut l’affecter ou encore affecter l’objet de la transaction et l’informer des droits et obligations qui découlent des documents à signer, notamment, de la nature de la tâche et des biens et du temps nécessaires [sic].
1 2021 QCCQ 5257. 2 Article 2100 et 2102 C.c.Q. 3 RLRQ, c. C-73.2 r.1. 4 2003 CanLII 38508 (QC CQ).
Par Me Diane Simard
Me Simard est directrice de la Direction des affaires juridiques à l’Union des producteurs agricoles. Elle met au service du monde agricole, 25 ans de pratique en droit municipal et en aménagement et urbanisme. Elle possède une vision stratégique des enjeux du monde agricole et de la dynamique rurale-urbaine. dsimard@upa.qc.ca
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