Le 15 avril, le ministre fédéral des Transports, Marc Garneau, a annoncé la revente des derniers terrains inutilisés de l’aéroport de Mirabel. Ces 748 acres de terres, situées à l’extérieur du périmètre de l’aéroport, seront offertes aux expropriés et à leur succession. D’autres terrains inutilisés, à l’intérieur du périmètre clôturé de l’aéroport, feront l’objet de consultations publiques. Cette rétrocession met un terme à une très longue saga qui a bousculé la vie de milliers de familles.
Rappelons que le 27 mars 1969, le fédéral avait annoncé la construction d’un nouvel aéroport international à Mirabel et l’expropriation de 97 000 acres (392,55 km2) de terres agricoles d’excellente qualité. L’année suivante, le gouvernement du Québec avait fait savoir son intention de fusionner les 14 municipalités du secteur et de créer la Ville de Sainte-Scholastique, qui deviendrait éventuellement Mirabel. La superficie expropriée de 97 000 acres représente 82,3 % de l’ensemble du territoire actuel de la Ville-MRC de Mirabel.
Outre l’impact désastreux sur les milliers de familles concernées, ce fiasco a aussi entraîné des conséquences économiques importantes. Pour continuer de cultiver, les producteurs ont dû louer les terres qui leur appartenaient autrefois. Cette dynamique est à l’origine d’une dévaluation économique et d’un sous-investissement qui a duré pendant plusieurs décennies.
On sait maintenant que le gouvernement fédéral a grandement surévalué ses besoins en espace. Les nombreux scénarios de croissance et d’agrandissement prévus dans le projet initial n’ont jamais vu le jour. Hausse du trafic aérien moindre qu’escompté, en concurrence avec Toronto, loin du centre-ville et difficile d’accès : cet aéroport, qui se voulait la « porte d’entrée au Canada », a vécu un long déclin jusqu’à sa fermeture définitive, en 2014.
Quelque 80 000 acres de terrains ont été rétrocédés dans les années 1980, et 11 000 acres de plus dans les années 2000. Autant de souffrance et de drames humains, pour finalement procéder à une rétrocession. La revente des 748 acres annoncée la semaine dernière n’avait pas encore eu lieu, car ces terres étaient enclavées et inaccessibles. Le peu de collaboration de la Ville de Mirabel pour désenclaver ce secteur n’est pas étranger au délai engendré pour finaliser ce dossier. Récemment, une entente entre le gouvernement fédéral et la Ville a finalement été conclue.
Plusieurs membres des familles expropriées étaient présents lors de l’annonce. Je pense notamment à Rita Lafond, porte-parole historique des expropriés de Mirabel. Très émue, elle a salué la ténacité exceptionnelle du président du Syndicat de l’UPA de Ste-Scholastique‒Mirabel, Marcel Denis, et de tous ceux qui se sont engagés dans lutte pour la reconnaissance des droits des familles touchées. J’ai accompagné M. Denis à quelques occasions au cours de ses démarches. Je salue et admire son dévouement à cette cause qui lui tenait tant à cœur.
À l’image de son prédécesseur Jean-Paul Raymond, M. Denis a consacré pendant plusieurs années des efforts hors du commun, sur toutes les tribunes, pour faire avancer la cause des expropriés.
Le gouvernement canadien annonçait d’ailleurs tout récemment, en marge des commémorations soulignant les 50 ans des expropriations, que le syndicat local serait désormais dédouané pour assurer la destinée de la Maison Jean-Paul Raymond, acquise par la Couronne en 1969.
Nous devons tous et toutes à Mme Lafond, M. Raymond, M. Denis et chaque individu qui s’est dévoué pendant des décennies à l’aboutissement de ce dossier, nos plus sincères remerciements. Ils nous rappellent qu’on ne doit jamais reculer et abandonner devant l’injustice.
Éditorial La Terre de chez nous
Semaine du 24 au 30 avril 2019
Marcel Groleau, président général