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« Pouvoir nourrir, pouvoir grandir » : un concept qui échappe à notre ministre

Publié le 9 décembre 2015 - Écrit par Marcel Groleau, président général

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  • Producteur/Productrice
  • Textes d’opinion

Le 30 novembre dernier, dans plusieurs quotidiens québécois, le Conseil de la transformation alimentaire du Québec (CTAQ) et l’Union des producteurs agricoles (UPA) publiaient un manifeste demandant au gouvernement du Québec d’inscrire le secteur agroalimentaire parmi les stratégies de développement économique prioritaires du Québec.

Cette requête était appuyée par La Coop fédérée, le plus important transformateur alimentaire et fournisseur d’intrants agricoles au Québec, le Mouvement Desjardins, premier prêteur auprès des entreprises agricoles québécoises et la Faculté des sciences de l’agriculture et de l’alimentation de l’Université Laval, seule institution d’enseignement et de recherche universitaire de langue française en agriculture et en alimentation en Amérique du Nord.

Le manifeste identifie trois enjeux stratégiques pour le secteur agroalimentaire. Stimuler l’investissement et l’innovation dans les entreprises agricoles et de transformation, augmenter l’investissement en recherche et répondre à la pénurie de main-d’œuvre.

Ces demandes révèlent l’inquiétude du secteur face à la compétition de plus en plus féroce sur les marchés agroalimentaires, tant intérieurs qu’étrangers. Premier employeur au Québec, le secteur agroalimentaire doit demeurer à la fine pointe de la technologie et s’améliorer constamment. Le gouvernement devrait être heureux de la mobilisation du secteur concernant ses enjeux de développement.

La visite au Congrès général du ministre Pierre Paradis était donc attendue. Plusieurs dossiers préoccupent les producteurs en ce moment. Les enjeux de la relève et de l’accès aux terres, l’environnement, les pesticides, le bien-être animal, le budget de la Financière agricole du Québec (FADQ), les suites du rapport UPA-FADQ-MAPAQ sur la sécurité du revenu, le programme d’appui financier aux regroupements et aux associations de producteurs désignés (PAFRAPD ou programme casino) et les enjeux régionaux ne sont que quelques exemples de dossiers pour lesquels nous sommes en attente de développement. Le ministre a livré un discours décevant, ne faisant qu’effleurer les dossiers importants, mais en prenant le temps de nous féliciter de travailler 7 jours sur 7. De toute évidence, c’est une stratégie qui n’a pas plu aux délégués.

Malgré tous les dossiers en attente, nous avions décidé de ne poser qu’une seule question au ministre. Nous lui avons tendu la main et lui avons réitéré la demande que nous avons faite au premier ministre Philippe Couillard, soit que le secteur agroalimentaire soit ajouté aux autres axes de développement stratégique de l’économie du Québec.

Ce positionnement stratégique est essentiel pour s’ajuster à l’accord de libre-échange avec l’Europe et au Partenariat transpacifique, qui entreront en vigueur au cours des prochaines années. Il faut se préparer à faire face aux importations supplémentaires, mais aussi tenter de profiter des ouvertures potentielles à l’étranger. En octobre dernier, une délégation de Belgique comptant plus de 200 personnes était déjà dans l’ouest du pays pour se préparer à l’ouverture que représente le marché canadien. Cette délégation comprenait un fort contingent d’entreprises et d’organisations agroalimentaires.

Le secteur agricole profite d’une embellie des prix des marchés depuis bientôt quatre ans. Les interventions de la FADQ n’ont jamais été aussi basses, ce qui a permis à l’État de renflouer une partie de son déficit et nous en sommes bien heureux. Depuis 2010, en tenant compte des sommes non versées de près de 350 M$ et des surplus accumulés par la Financière, nous avons contribué à hauteur de 1 G$ à la réduction du déficit du gouvernement du Québec. À cela, il fait ajouter les 4,5 G$ que l’agriculture et la transformation alimentaire génèrent en taxes et en impôts chaque année dans les coffres de nos gouvernements. Que faut-il de plus pour que notre secteur soit considéré comme stratégique?

La demande alimentaire sera en croissance pour les 35 prochaines années. Nous avons des ressources exceptionnelles. Nous voulons que le Québec profite de cette opportunité, tant sur les marchés intérieurs que mondiaux. En réponse à notre requête, le ministre Paradis nous propose un sommet sur l’alimentation. Selon lui, il faut d’abord savoir ce que veut le consommateur, sans quoi notre demande n’est qu’un « show de boucane ». Le Québec compte plus de 1 500 entreprises de transformation alimentaire, continuellement à l’affût des tendances. Elles investissent des sommes colossales en recherche et développent constamment de nouveaux produits pour se démarquer et répondre aux attentes des consommateurs. Le ministre croit-il qu’un sommet va lui en apprendre plus que ce que savent déjà les transformateurs, dont la survie dépend jour après jour du choix des consommateurs à l’épicerie?

La réaction du ministre a été vraiment décevante. Les délégués et tous les intervenants qui étaient sur place au Congrès général sont restés sans voix face à l’annonce de Pierre Paradis. De l’avis des observateurs, le ministre cherche à gagner du temps. La réaction des journalistes au point de presse qui a suivi était assez éloquente à ce sujet. Le regroupement des partenaires du secteur agroalimentaire est une opportunité en soi. Ne pas la saisir démontre que le ministre, de toute évidence, ne comprend pas le concept « Pouvoir nourrir, pouvoir grandir ».