Le secteur animalier (bétail et produits de bétail) représente 57,9 % des recettes monétaires agricoles au Québec (2022). L’abattage est donc un enjeu majeur pour l’agriculture québécoise et possède une incidence directe sur l’apport économique actuel et potentiel des fermes d’élevage.
L’an dernier, nous avons relayé au ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) les préoccupations du milieu. Les abattoirs sous inspection permanente (provinciaux et fédéraux) sont très sollicités, font face à des coûts d’exploitation très élevés et vivent une pénurie de personnel hors norme.
De façon générale, la réglementation actuelle empêche d’optimiser l’usage des établissements (ratio de 1 abattoir par 100 fermes en production animale au Québec; la moyenne canadienne est de 2), limite fortement les activités commerciales des éleveurs et les empêche de générer des marges plus intéressantes. À ce chapitre, le MAPAQ procède actuellement à une révision réglementaire importante, mais elle n’aboutira qu’en 2025-2026. Il s’agit d’un très long délai compte tenu des besoins urgents sur le terrain. C’est pourquoi nous avons récemment proposé diverses mesures pouvant être mises en œuvre rapidement et à moindres coûts, comme c’est déjà le cas dans plusieurs autres provinces.
La première proposition est d’autoriser la vente à la ferme de la viande issue d’animaux abattus dans les abattoirs de proximité. Plusieurs installations de ce type sont actuellement sous-exploitées, car la viande ne peut être commercialisée qu’à un comptoir de boucherie attenant à l’abattoir. Les éleveurs ne peuvent donc pas récupérer leur viande pour la vendre à la ferme. Or, permettre la vente directe à la ferme n’aurait pas plus d’incidence, côté sanitaire, que dans un bâtiment contigu à l’abattoir. Dans les deux cas, il s’agirait d’une commercialisation de type « vente directe » et la traçabilité serait simple à établir.
La seconde proposition est de permettre l’abattage à la ferme dans les zones subissant une pénurie d’abattoirs. À titre d’exemple, la Colombie-Britannique a récemment créé une licence délivrée après une formation permettant au titulaire d’abattre ses animaux à la ferme. La viande peut ensuite être commercialisée dans toute la province, ce qui a permis de développer des filières locales. Certaines fermes ont complètement revu leur modèle d’affaires ou se sont diversifiées.
La troisième proposition est de garantir un service minimum d’abattage sous inspection permanente pour toutes les espèces et dans chaque région. L’abattage est en effet une activité peu rentable, mais indispensable à la pérennité des fermes d’élevage.
Enfin, la quatrième proposition vise à contrer la pénurie d’inspecteurs dans les abattoirs par la délégation des actes vétérinaires à des technologues pour l’inspection des viandes et le développement de la téléinspection, à l’instar de ce qui va prochainement être déployé en télémédecine vétérinaire. Cette mesure permettrait notamment l’abattage à la ferme d’animaux blessés ou dangereux à transporter. Après une inspection à distance, la carcasse pourrait dès lors être transportée dans un abattoir à proximité et inspectée post mortem, valorisant ainsi la viande de ces animaux.
L’abattage est un « service essentiel » très difficile à rentabiliser qui doit être mieux soutenu, comme le démontre la fermeture récente du Petit Abattoir de Saint-Joachim-de-Shefford après moins d’un an d’activité (même si la clientèle était au rendez-vous). En quelques années seulement, des solutions ont été mises de l’avant avec succès ailleurs au pays. Il faut donc faire preuve de proactivité dans ce dossier déterminant pour l’élevage québécois en général et les fermes de proximité en particulier, dont le nombre a fortement augmenté ces dernières années (nombre de fermes utilisant la vente directe au Québec : + 12 % entre 2016 et 2021). Pour des raisons tant économiques qu’alimentaires, des gestes doivent être posés pour appuyer cette lancée!