Le gouvernement du Québec a récemment adopté le Code de gestion des matières résiduelles fertilisantes (MRF), qui entrera en vigueur le 1er novembre 2025. Très attendu, celui-ci ajoute des seuils à ne pas dépasser pour les substances perfluoroalkyliques et polyfluoroalkyliques (SPFA), précise les responsabilités des différents acteurs impliqués dans la chaîne de valorisation des MRF et maintient jusqu’au 1er novembre 2028 le moratoire sur l’épandage agricole des biosolides importés des États-Unis.
Les MRF sont des résidus industriels ou municipaux, comme les boues provenant du traitement des eaux usées (aussi appelées « biosolides »), les poussières des cimenteries et les cendres de bois. Ces résidus ont des propriétés fertilisantes bénéfiques pour les sols et les cultures. Environ un million de tonnes de MRF sont épandues en agriculture chaque année au Québec. Leur utilisation s’étend aussi à la sylviculture, à l’aménagement paysager et à la restauration de terrains dégradés.
Les SPFA, quant à eux, sont une famille de plus de 4 000 composés chimiques nocifs (et potentiellement cancérigènes), souvent qualifiés de polluants éternels parce qu’ils ne se dégradent pas ou très peu. Ils s’accumulent dans l’environnement et le corps humain. Comme ils ne sont pas détruits par les traitements classiques des eaux usées, ils se retrouvent dans les boues d’épuration.
En fin d’année 2022, divers reportages ont exposé au grand jour la présence de SPFA dans certains biosolides de l’État du Maine et la contamination subséquente de plusieurs terres agricoles. D’autres reportages ont démontré que certains États américains, incluant le Maine, exportaient leurs boues d’épuration municipales et industrielles au Québec. D’où l’imposition, en mars 2023, d’un moratoire québécois sur l’épandage de biosolides américains d’ici l’adoption d’une nouvelle réglementation.
Pendant la consultation ayant mené à l’adoption du Code, nous avons insisté sur trois grands enjeux. D’une part, il était impératif de fixer des normes strictes pour les SPFA (omniprésentes dans l’environnement et, donc, dans tous les biosolides) afin de protéger nos terres agricoles d’éventuelles contaminations, de préserver notre capacité de produire des aliments sains, d’assurer la confiance des utilisateurs (c’est-à-dire les productrices et producteurs) et de rassurer le grand public.
D’autre part, nous avons insisté sur la clarification du rôle et des responsabilités de chaque intervenant prenant part au processus de recyclage des MRF. Cela s’avérait nécessaire, car les producteurs agricoles et forestiers sont actuellement démesurément ciblés en cas de non-conformité, même s’ils sont entièrement dépendants des générateurs et des courtiers en ce qui concerne la qualité des MRF qu’ils reçoivent. Il était donc essentiel de rendre plus imputables ceux à qui les productrices et producteurs agricoles doivent faire confiance et qui sont en mesure d’influencer la qualité de ce qui leur est offert.
Le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP) a fait du bon travail à ces deux égards. Le troisième enjeu sur lequel nous avons insisté, soit l’importance d’un suivi rigoureux des nouvelles exigences, mériterait toutefois d’être plus présent.
Les nouvelles règles, aussi bénéfiques soient-elles, auraient un impact encore plus positif si elles étaient accompagnées d’une surveillance gouvernementale accrue. Intégrer une capacité d’inspection additionnelle réduirait grandement le risque de constater, possiblement trop tard, le recyclage sur nos terres de MRF qui ne respectent pas les critères établis (exemple : quantité déraisonnable de plastique déchiqueté) ou qui contiennent une concentration trop élevée de SPFA (ce que la réforme tente d’éviter). La clarification des responsabilités, une fois que le mal est fait et que les terres sont compromises (parfois pour plusieurs années), sera une bien mince consolation.
Le MELCCFP a encore beaucoup de temps devant lui d’ici l’entrée en vigueur du Code. Il est crucial d’incorporer aux changements à venir des mécanismes permettant d’en assurer le succès. Les risques sont trop importants, pour des raisons à la fois économiques et d’innocuité, pour ne pas couvrir tous les angles.