Fidèle à lui-même, Sylvain Charlebois profite du conflit de travail chez Exceldor pour déverser son fiel sur l’Union des producteurs agricoles (UPA) et la gestion de l’offre. Ce faisant, il mêle tout et tout le monde. La rigueur intellectuelle, encore une fois, est complètement absente.
L’UPA et la gestion de l’offre n’ont rien à voir avec ce conflit et je crois donc peu utile d’alimenter la controverse imaginaire que le directeur du Laboratoire de sciences analytiques en agroalimentaire de l’Université Dalhousie tente encore une fois de créer de toutes pièces. Je me permettrai toutefois quelques rectifications basées sur les faits.
Je ne vois pas le lien entre le nombre d’employés à la Maison de l’UPA, à Longueuil, et le conflit chez Exceldor. Toutefois, pour la gouverne de M. Charlebois, il n’y en a pas 1 500, mais moins de 600 qui travaillent pour près d’une trentaine d’organisations distinctes. Je ne vois pas non plus le lien entre les sous-produits d’huile de palme dans l’alimentation des vaches, la teneur du beurre et le conflit chez Exceldor. Encore une fois, il n’existe aucune donnée permettant d’affirmer que le beurre est plus dur qu’avant. Mais bon, les analyses de M. Charlebois sont rarement reconnues par ses pairs pour leur pertinence.
M. Charlebois s’en prend aux producteurs pour la valeur de leurs entreprises et des contingents de production. Il suggère aussi qu’ils ne subissent aucun dommage à la suite du conflit de travail. Les producteurs membres de cette coopérative sont pourtant les principales victimes de ce conflit. Non pas individuellement, mais collectivement. Ces 400 éleveurs perdent chaque semaine plusieurs centaines de milliers de dollars. Et ceux chez qui les oiseaux sont euthanasiés vivent en plus le stress de cette expérience épouvantable.
M. Charlebois n’aime pas la mise en marche collective et la gestion de l’offre. Je suis même surpris qu’il ne leur attribue pas la responsabilité des changements climatiques. Sa façon de faire est simple et consiste à faire des liens de cause à effet là où il n’y en a pas, dans le seul but de démontrer son point de vue. Les polémistes et les complotistes, fondamentalement, ont la même stratégie. Pour ces gens, les faits sont secondaires. Elle est là, la vraie « bullshit ».
Cela dit, la situation chez Exceldor soulève plusieurs questions. D’abord, l’arrêt des activités provoqué par le conflit de travail à l’usine de Saint-Anselme aurait dû être anticipé. Les employés disposaient légalement d’un droit de grève et la convention collective était échue depuis près d’un an. Il est pour le moins surprenant que l’entreprise n’ait pas prévu de plan de contingence en pareille situation, sachant que la production de poulet ne peut facilement s’arrêter et que l’abattage est une étape essentielle à sa mise en marché. D’ailleurs, grâce à la gestion de l’offre, Exceldor connaît exactement le nombre d’oiseaux qu’elle devra transformer, et cela, des mois à l’avance.
La rareté de la main-d’œuvre est un énorme problème dans la région de Chaudière-Appalaches. Le taux de chômage, un des plus bas au Québec, est de 3,8 %. L’automatisation et la robotisation sont des solutions à moyen ou long terme et nécessitent de très gros investissements. À brève échéance, la seule solution est une entente entre les deux parties pour mettre fin à ce gaspillage alimentaire.
Le secteur agroalimentaire québécois est l’un des plus performants au Canada. Avec seulement 6 % des superficies en culture, nous générons près de 14 % des revenus agricoles au Canada. Près de 70 % de nos produits agricoles sont transformés chez nous, au Québec, alors que la moyenne canadienne à ce chapitre est d’environ 30 %. La mise en marché collective a indiscutablement favorisé ces résultats, n’en déplaise à M. Charlebois.
Cet éditorial est le dernier avant la pause estivale. Je nous souhaite donc une météo collaborative — de la pluie s’il-vous-plaît — et si vous avez un peu de temps, profitez de notre application Mangeons local plus que jamais! pour découvrir le Québec.