Au moment d’écrire ces lignes, Donald Trump prêtait serment à titre de 45e président des États-Unis et prenait officiellement les rênes de la première puissance financière et militaire au monde. Le système électoral de ce pays est particulier, mais c’est essentiellement la fracture de la société américaine qui est à l’origine du résultat. La classe moyenne aux États-Unis souffre et son pouvoir d’achat s’effrite. Elle a choisi le changement, peu importe les risques.
Donald Trump bouscule les conventions. Loin de modérer ses propos maintenant qu’il est élu, il continue de provoquer par ses déclarations sans nuances sur plusieurs enjeux diplomatiques et économiques. Il en a fait sa marque de commerce.
Nos deux pays sont des partenaires commerciaux privilégiés aux économies profondément intégrées.
Plus de 75 % des exportations canadiennes de marchandises sont destinées aux États-Unis, contre 19 % des exportations américaines qui sont destinées au Canada. En outre, plus de 66 % des importations canadiennes proviennent des États-Unis, alors que moins de 15 % des importations américaines viennent du Canada. Les Américains sont déjà très protectionnistes et leurs frontières sont très bien contrôlées. L’adoption de mesures supplémentaires est donc inquiétante.
Une coalition regroupant l’International Dairy Foods Association, la National Milk Producers Federation et l’U.S. Dairy Export Council a déjà demandé au nouveau président d’intervenir relativement aux pratiques « protectionnistes » du Canada sur le lait diafiltré. On sait aussi qu’une note du comité de transition de M. Trump a circulé en novembre dernier. Elle identifiait le retour du COOL (Country of Origin Labelling) parmi les priorités des 200 premiers jours de sa présidence. Bref, rien de rassurant.
Les constructeurs automobiles américains ont réagi aux menaces et ont annoncé des investissements importants aux États-Unis plutôt qu’ailleurs dans le monde. L’industrie pharmaceutique est aussi dans la mire du nouveau président. Chaque déclaration de M. Trump est scrutée à la loupe par le monde de la finance. Cela n’a pas eu d’incidence majeure sur les indices boursiers jusqu’à maintenant. En fait, ce nouveau gouvernement sera contrôlé par une bande de milliardaires; du jamais vu. Il serait surprenant qu’ils n’assurent pas le rendement de leurs investissements! C’est là un des nombreux paradoxes de cette administration. Ils ont tous fait fortune en raison de la libéralisation des règles financières et commerciales, mais ils sont au pouvoir grâce à leur discours protectionniste.
Le nouveau président est très critique à propos des ententes de commerce, plus spécifiquement de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA). Le futur secrétaire d’État américain au Commerce, Wilbur Ross, a confirmé l’intention des États-Unis de renégocier cet accord. Même si la cible semble être le Mexique, cela aura des conséquences sur le Canada. Le premier ministre canadien a expliqué récemment l’importance de l’ALENA pour les États-Unis (neuf millions d’emplois et 36 États où le Canada est le principal partenaire commercial). Le Canada doit établir sa stratégie rapidement et développer ses appuis en sol américain pour tenter d’équilibrer les forces dans cette négociation, qui semble inévitable.
Je serai avec la Fédération canadienne de l’agriculture à Washington dans quelques jours. Des rencontres sont prévues avec l’ambassadeur du Canada, David MacNaughton, le président de l’American Farm Bureau, Zippy Duvall (un proche du nouveau secrétaire d’État à l’Agriculture Sonny Perdue, car tous les deux sont originaires de Géorgie) et la National Farmers Union. Il sera intéressant d’échanger avec eux sur nos enjeux.
L’arrivée de Donald Trump à la présidence est inquiétante. Sa personnalité, ses déclarations et son passé en font un président imprévisible. Un point positif : il n’a pas tous les pouvoirs. En fait, il en a moins que le premier ministre canadien en a dans son pays. Notre économie est intimement liée à celle des États-Unis. Devant la possibilité que nos relations changent, le Canada et les provinces devront s’assurer que nos programmes agricoles sont compétitifs. Les décisions protectionnistes du nouveau président risquent d’être soutenues par des mesures qui feront de ce pays un marché non seulement plus difficile à conquérir, mais aussi un compétiteur plus agressif sur nos propres marchés. Je l’ai souvent répété : un producteur canadien peut concurrencer un producteur américain, mais il n’a aucune chance contre le gouvernement américain.