Le gouvernement du Québec a récemment déposé le projet de loi 20 visant à créer le Fonds bleu. Il s’agit, pour la Coalition Avenir Québec, d’un engagement électoral majeur pour protéger cette ressource de plus en plus stratégique à la lumière des changements climatiques. Doté d’un budget de 500 M$ sur cinq ans, ce nouveau fonds permettra le financement « adéquat, prévisible et suffisant » de mesures permettant d’assurer la protection, la restauration, la mise en valeur et la gestion de cet or bleu.
Le projet de loi prévoit aussi revoir à la hausse les redevances imposées aux industries qui prélèvent de grandes quantités d’eau douce. Soulignons à cet égard que les entreprises comme les embouteilleurs commerciaux, les papetières, les fonderies et les mines prélèvent chaque année quelque 800 milliards de litres d’eau douce dans les lacs, les rivières, les aqueducs et le souterrain québécois. Depuis 2010, ces entreprises ont payé des redevances d’environ 3 M$ par année, à un taux sept fois moins élevé qu’en Ontario. Le gouvernement du Québec souhaite donc augmenter significativement la valeur de ces redevances.
En raison de sa mission fondamentale, et à juste titre, le secteur agricole n’est pas assujetti à ces redevances. Les productrices et les producteurs sont toutefois bien au fait de l’importance d’utiliser cette richesse avec toujours plus d’efficience et de parcimonie, comme en témoigne le recours croissant à plusieurs innovations technologiques (irrigation goutte-à-goutte, récupération des eaux de pluie, limitation des pertes hydriques, filtrage et réutilisation des eaux de lavage, etc.). Le secteur est très proactif, et il est impératif de l’accompagner encore plus en ces matières.
Dans nos commentaires transmis aux parlementaires, nous avons insisté sur un certain nombre d’enjeux soulevés par le projet de loi. En effet, les changements climatiques exposent de plus en plus les productrices et les producteurs à des évènements climatiques extrêmes, qu’il s’agisse d’inondations, de pénuries ou de sécheresses. Cette dernière éventualité est particulièrement préoccupante pour l’ensemble des productions animales et végétales, qui sont toutes complètement dépendantes de la disponibilité en eau.
C’est pourquoi des gestes concrets devraient être posés afin de minimiser les risques. À l’instar de ce qui se fait dans d’autres pays, des investissements importants permettant le stockage de l’eau pourraient être consentis en milieu agricole. Les productrices et producteurs profiteraient ainsi des périodes d’abondance pour constituer des réserves, ce qui réduirait la pression exercée sur la ressource en période de pénurie. Il s’agit d’un exemple concret de mesures qui devraient être préconisées par le futur Fonds bleu.
Le projet de loi permettrait aussi au gouvernement de prohiber ou de limiter certains usages de l’eau provenant d’un système d’aqueduc en période de rareté. La Loi sur la qualité de l’environnement (LQE) n’établit toutefois aucune hiérarchie des usages, sauf celle requise pour l’alimentation humaine. Il est donc impératif de statuer que l’eau nécessaire à l’agriculture doit être privilégiée immédiatement après l’approvisionnement humain en eau potable, compte tenu de son importance pour la production alimentaire. Ajoutons que les animaux d’élevage, pour leur survie et leur bien-être, ne peuvent en aucun temps être privés d’eau. Il en va de même pour certaines cultures maraîchères qui essuieraient des pertes importantes si elles n’étaient pas périodiquement irriguées.
Un nombre important d’entreprises agricoles sont approvisionnées en eau par un réseau d’aqueduc municipal. Dans l’éventualité d’une pénurie exigeant des restrictions, il faudrait impérativement sécuriser la disponibilité de l’eau pour les activités véritablement essentielles.
Tous les secteurs ont leur importance. Il est toutefois clair que la protection de l’usage de l’eau à des fins agricoles doit être priorisée. Les cultures et les animaux d’élevage ont absolument besoin d’un accès permanent et continu à cette ressource, et une disposition à cet effet doit être introduite dans la LQE. C’est un enjeu à la fois économique et essentiel à la sécurité et l’autonomie alimentaires des Québécoises et des Québécois.