En vue de la renégociation de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), le président de la Fédération canadienne d’agriculture (FCA This link will open in a new window), Ron Bonnett, a rencontré la semaine dernière des producteurs (Farm Bureau) du Kansas, de l’Iowa, de la Californie et du Wisconsin. À titre de deuxième vice-président de la FCA, je l’ai rejoint à Madison pour participer à celle du Wisconsin. Cette présence de la FCA aux États-Unis s’est déroulée pendant une semaine très mouvementée dans l’actualité.
Les médias canadiens ont accordé une grande importance aux propos du président Trump sur l’industrie laitière. Cela n’a toutefois pas été la seule déclaration percutante de la semaine. Le Mexique a annoncé qu’il évaluait la possibilité d’importer du lait européen et néo-zélandais plutôt qu’américain, une perte potentielle d’environ 1,2 G$ pour le secteur laitier aux États-Unis. Le Mexique importe aussi une grande quantité de porcs américains. Le Japon, de son côté, a annoncé qu’il souhaitait maintenir le Partenariat transpacifique malgré le retrait des États-Unis de celui-ci, ce qui conférerait aux produits mexicains et canadiens un accès privilégié sur le marché asiatique. Nous avons constaté que toutes ces déclarations inquiètent fortement les producteurs et les marchés. Elles expliquent entre autres pourquoi M. Trump, après avoir indiqué qu’il pourrait se retirer de l’ALENA à brève échéance, est revenu à sa position initiale, c’est-à-dire à une renégociation de l’accord.
Chaque État visité est confronté à des enjeux agricoles qui lui sont propres, tout en misant fortement sur l’exportation, notamment au Canada et au Mexique. L’agriculture occupe une grande place de leur économie respective. Aussi, les Américains importent beaucoup de potasse de la Saskatchewan. Les producteurs de ces États ne voient donc pas d’un bon œil l’introduction de nouvelles taxes commerciales entre le Canada et les États-Unis. Le dossier de la gestion de l’offre intéresse surtout les producteurs du Wisconsin. La rareté de la main-d’œuvre dans les régions rurales représente toutefois un défi majeur pour tous les groupes rencontrés.
L’ALENA est donc très important pour les producteurs de ces États. Le Mexique et le Canada sont des marchés appréciables. Pour eux, il est clair que la déclaration de Donald Trump sur le lait diafiltré est une façon de diviser la communauté agricole, très favorable au commerce et au maintien de l’ALENA.
Les producteurs américains ne sont pas protectionnistes et ont besoin des marchés mondiaux pour écouler leurs produits. L’approche de la Maison-Blanche relativement aux négociations commerciales inquiète donc fortement les producteurs de ces États.
La rencontre à laquelle j’ai participé avec la Wisconsin Farm Bureau Federation a été très agréable. La production laitière est le secteur agricole le plus important dans cet État. Après avoir présenté les enjeux de la renégociation de l’ALENA pour les producteurs canadiens et américains, nous avons surtout discuté de l’industrie laitière au Canada.
J’ai expliqué le fonctionnement de notre mise en marché, son origine, l’interaction entre les provinces canadiennes, les transformateurs laitiers et les producteurs. Ils sont intéressés par notre système, mais en partie seulement. Ils voient positivement la stabilité de nos prix, notre capacité à faire de la promotion générique et la possibilité de « pooler » les marchés entre les producteurs. La discipline dans la production n’est toutefois pas dans leurs gènes.
Il s’est dit beaucoup de choses sur le lait diafiltré. J’ai fait le point sur l’adaptation de l’industrie canadienne à cette nouvelle compétition. Ils savent très bien que leurs problèmes de volatilité des prix dépassent largement l’enjeu du lait diafiltré. Fait intéressant, la compagnie du Wisconsin qui fabrique ce produit pour le Canada, Grassland Dairy, est en réorganisation et construit actuellement une ferme pour loger 5 000 vaches. Elle a aussi mis fin à ses contrats avec 75 producteurs. La réduction des importations canadiennes arrive peut-être à point pour accuser le Canada d’être responsable de la situation que vivent ces agriculteurs. J’ai précisé que cela n’arrive pas chez nous.
Ces rencontres de producteurs à producteurs sont enrichissantes. Quand la politique est mise de côté et que le gros bon sens dirige les discussions, bien des préjugés tombent. Peut-être devrait-on confier aux producteurs la renégociation de l’ALENA pour le secteur agricole.