Le gouvernement du Canada a lancé, en juin dernier, des consultations pour orienter la stratégie nationale sur la main-d’œuvre agricole. Dans nos commentaires transmis récemment, nous avons rappelé que le contexte du marché du travail et du recrutement des travailleurs, dans le secteur agricole comme ailleurs, a beaucoup évolué ces dernières années.
Même si elle est restreinte, la disponibilité des travailleurs locaux n’est pas complètement inexistante. À témoin, près de 1 000 diplômés sortent des programmes de formation initiale chaque année. Il reste donc un certain bassin de jeunes talents à recruter, mais insuffisant pour combler tous les besoins. C’est pourquoi le recours à la main-d’œuvre étrangère agricole a explosé ces dix dernières années.
Les quelque 20 000 travailleurs étrangers temporaires (TET) qui viennent dans les fermes du Québec chaque année sont aujourd’hui des travailleurs essentiels à la sécurité alimentaire de la province et du pays. Les employeurs agricoles vivent toutefois plusieurs défis de recrutement, plus particulièrement au regard des délais et des dédales administratifs. Toutes les mesures nécessaires pour alléger ce fardeau doivent être envisagées, incluant, à titre d’exemple, une autorisation sur trois à cinq saisons pour le même employeur de confiance, pour le même TET et les mêmes tâches (au lieu de refaire les démarches annuellement).
Des enjeux de rétention sont aussi apparus ces dernières années (fuites de TET vers les États-Unis, recruteurs malintentionnés, etc.). La concertation entre les différents représentants des travailleurs et des employeurs aide toutefois à solutionner les situations potentiellement problématiques. D’autres secteurs bioalimentaires, comme la transformation alimentaire, souhaitent aussi accueillir des TET, ce qui accentue les enjeux de rétention.
Par ailleurs, les employeurs agricoles sont depuis toujours sensibles au bien-être des TET. Ils peuvent d’ailleurs compter sur l’expertise des centres locaux d’emplois et d’AGRIcarrières à cet égard. Mais il est clair que l’évolution des normes et des salaires, nécessaire pour fidéliser cette main-d’œuvre, affecte directement la rentabilité des entreprises.
Les compétences et les technologies sont quant à elles au cœur de la croissance des entreprises. Cet aspect (automatisation, robotisation, agriculture de précision, etc.) devra non seulement permettre d’atteindre une rentabilité accrue, mais aussi de prendre de meilleures décisions d’affaires (transition numérique). Les entrepreneurs agricoles devront aussi se distinguer par l’adaptabilité, la mobilisation des équipes, l’éthique, l’équité et la résolution de problèmes. À cet égard, de nouvelles façons de faire s’imposent continuellement dans toutes les activités des entreprises, des travaux aux champs jusqu’à la gestion des employés.
La pénurie de main-d’œuvre touche le milieu agricole depuis beaucoup plus longtemps que la grande majorité des autres secteurs économiques. Le gouvernement canadien devra donc, après ses consultations, dévoiler rapidement son plan de match et passer à l’action. Le contexte actuel du marché du travail force les employeurs agricoles à se renouveler pour attirer et fidéliser les talents. Cette obligation entraîne des coûts supplémentaires à la fois importants et difficiles à transférer aux marchés (en raison, notamment, des normes plus élevées que celles exigées pour les produits importés).
Sans soutien additionnel, il sera difficile pour nos entreprises d’atteindre leur plein potentiel et, dans certains cas, d’assurer leur pérennité. Dans ce cadre, il est impératif d’investir en agriculture afin d’assurer la rentabilité de nos fermes, la qualité de nos produits ainsi que l’avenir de notre garde-manger.