En octobre 2019, la ministre des Affaires municipales et de l’Habitation, Andrée Laforest, a donné son aval à des changements substantiels au Schéma d’aménagement et de développement révisé (SADR) de la MRC de Montcalm, incluant le changement d’usage de terres agricoles d’une superficie d’environ 17 millions de pieds carrés (158 hectares). Dix municipalités étaient visées, notamment Saint-Lin–Laurentides, Sainte-Julienne et Saint-Roch-de-l’Achigan.
Plusieurs intervenants, dont la Fédération de l’UPA de Lanaudière, s’expliquaient mal cette décision, car les changements demandés étaient systématiquement refusés depuis sept ans, faute de conformité avec les orientations gouvernementales en matière d’aménagement du territoire. La ministre n’a d’ailleurs jamais répondu aux questions de la Fédération à ce sujet.
Au terme d’une enquête approfondie, deux journalistes de La Presse (André Dubuc et Francis Vailles) ont constaté que la décision a été prise en dépit de l’avis d’experts de la direction régionale de Lanaudière du ministère des Affaires municipales et de l’Habitation et de deux autres ministères, soit ceux des Transports et de la Santé. La réponse des ministères de l’Environnement et de l’Agriculture est caviardée dans les documents obtenus en vertu de la Loi sur l’accès à l’information. Il aurait été intéressant d’avoir leur point de vue.
Les journalistes ont aussi découvert que la MRC de Montcalm aurait possiblement contourné la loi en apportant de simples modifications à son schéma d’aménagement au lieu d’entreprendre un processus de révision complète, qui aurait pris beaucoup plus de temps en plus de nécessiter l’aval de la Commission de protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ). La Presse souligne également que la ministre Laforest, pendant tout le processus, avait comme adjoint parlementaire l’ancien préfet de la MRC de Montcalm, Louis-Charles Thouin, qui est aujourd’hui député de Rousseau (circonscription où se trouve la MRC).
Les faits révélés par les deux journalistes de La Presse sont troublants. Même si Mme Laforest a réagi au reportage en précisant que « l’obligation d’obtenir une décision de la CPTAQ avant un empiétement en zone agricole s’applique », il reste que le chemin emprunté pour arriver aux résultats que l’on connaît soulève beaucoup de questions.
Au fil des ans, les lois québécoises encadrant l’aménagement du territoire agricole ont été modifiées à plusieurs reprises. Un grand principe a cependant toujours été respecté et perdure encore aujourd’hui : en zone agricole, la priorité doit être donnée aux activités agricoles. Ce principe est d’abord assuré « politiquement » par la conformité des demandes aux orientations gouvernementales en aménagement du territoire (Loi sur l’aménagement et l’urbanisme). Il l’est aussi « juridiquement » par le respect de la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles, qui précise notamment qu’une MRC doit exercer ses pouvoirs en matière d’aménagement et d’urbanisme « avec l’objectif de favoriser l’utilisation prioritaire du sol à des fins d’activités agricoles ». La ministre était peut-être légitimée sur le plan politique d’agir comme elle l’a fait, mais certainement pas en vertu de l’esprit des lois qui encadrent l’aménagement du territoire et la protection des terres agricoles.
Il est d’autant plus étonnant que Mme Laforest ait donné son aval à la demande de la MRC de Montcalm alors qu’elle a rejeté à juste titre celle de l’agglomération de Québec. En tant que ministre des Affaires municipales et de l’Habitation, elle doit exercer un rôle de premier plan pour la protection des terres agricoles, dans un gouvernement qui a fait de l’autonomie alimentaire une priorité.