Les propos du premier ministre François Legault sur les salaires et l’immigration, prononcés récemment devant le Conseil du patronat du Québec, ont soulevé beaucoup de questions. S’exprimant sur la pénurie de main-d’œuvre, il a indiqué que l’immigration n’était pas une solution et que sa priorité était plutôt d’augmenter le salaire moyen au Québec. « À chaque fois que je rentre un immigrant qui gagne moins de 56 000 $, j’empire mon problème. À chaque fois que je rentre un immigrant qui gagne plus de 56 000, j’améliore ma situation », a-t-il déclaré, avant d’ajouter : « On a un sérieux problème de salaire moyen au Québec. On ne va pas faire exprès pour l’empirer. »
M. Legault a fait de l’augmentation du salaire moyen au Québec son obsession. Il le dit lui-même. Il a martelé ce thème tout au long de la dernière campagne électorale. Ce n’est donc pas une surprise. On comprend aussi que l’immigration massive sans règles de sélection, comme le suggèrent certains intervenants pour combler la pénurie de main-d’œuvre, n’est pas la solution, mais les salaires versés aux immigrants ne sont pas le seul facteur à considérer.
Les régions du Québec souffrent d’une pénurie de main-d’œuvre chronique depuis plusieurs années. La courbe démographique illustre très bien la diminution de la population active, c’est-à-dire les gens aptes à occuper un emploi. Pour bien des entreprises, simplement maintenir le niveau de production est compliqué, et plusieurs d’entre elles refusent de nouveaux contrats ou retardent des investissements, faute de main-d’œuvre, et ce, dans tous secteurs confondus. Dans bien des cas, ce n’est pas une question de salaire; il n’y a tout simplement personne qui postule aux postes affichés. Le secteur agricole a un problème de rétention de main-d’œuvre depuis des années. Les secteurs manufacturiers et miniers offrent des conditions d’emploi que l’agriculture ne peut pas se permettre, pour des raisons de compétitivité.
Heureusement, nous avons accès aux programmes des travailleurs étrangers saisonniers et temporaires. Plusieurs fermes dans le secteur horticole, mais aussi dans d’autres productions, cesseraient leurs activités sans ces programmes, et plusieurs emplois payants, en aval de la production agricole, disparaîtraient. Mais l’inverse est vrai aussi. La difficulté des transformateurs alimentaires à combler leurs besoins en main-d’œuvre aura, à terme, un impact sur la production et sur les revenus agricoles. Dans le domaine alimentaire, l’automatisation et la robotisation ont leurs limites. Plusieurs tâches manuelles, sur les fermes et dans les entreprises de transformation, sont essentielles et irremplaçables.
D’ailleurs, le gouvernement devrait permettre aux transformateurs alimentaires d’augmenter le nombre d’employés étrangers dans leurs effectifs, non pas pour réduire les salaires, mais simplement pour assurer la bonne continuité des opérations. Le Québec transforme 70 % de sa production agricole, ce qui contribue à alimenter notre marché local et à valoriser nos exportations.
Les conditions offertes aux travailleurs étrangers temporaires sont très attrayantes pour eux. Cela représente plusieurs fois ce qu’ils pourraient recevoir dans leurs pays d’origine pour un emploi similaire. C’est donc gagnant-gagnant. Les programmes devraient d’ailleurs servir de tremplin pour franchir les étapes menant à l’obtention de la citoyenneté canadienne.
Si on ne favorise pas l’immigration au Québec pour combler la pénurie de main-d’œuvre dans nos régions, les statistiques montreront peut-être, à court terme, une augmentation du salaire moyen. Mais à quels coûts pour la société québécoise?