La Commission européenne sur les pesticides positionne la France au 3e rang des plus importants utilisateurs de pesticides en Europe. Le pays se classe dans le top 10 mondial. Rien d’étonnant alors à ce que des recherches sur l’effet des pesticides sur la santé y soient réalisées depuis longtemps. C’est dans ce contexte que certaines maladies professionnelles liées à l’utilisation de produits phytosanitaires ont été officiellement reconnues en France et que des mécanismes d’indemnisation des personnes touchées ont été mis en place.
Au Québec, les pesticides sont aussi utilisés lorsque nécessaire. Comme partout ailleurs, les utilisateurs s’exposent à des risques importants pour leur santé. Des risques qu’il faut identifier et éliminer le plus possible. Or, la reconnaissance des maladies associées à ces produits accuse un certain retard. On peut penser au Parkinson, ajouté à la liste des maladies professionnelles à la fin 2021, mais reconnu en France depuis 2012. De plus, alors qu’au Québec, les travailleurs doivent obligatoirement être couverts par un régime de protection en cas de lésion professionnelle, cela demeure facultatif pour les producteurs, et ils sont malheureusement très peu nombreux à le faire. Pourtant, ils font face aux mêmes risques. En France, depuis 2002, exploitants comme salariés agricoles doivent obligatoirement cotiser.
C’est avec l’idée d’explorer les pratiques du milieu agricole français et la transférabilité de leurs mécanismes au Québec que l’Union des producteurs agricoles s’est déplacée sur le vieux continent, en avril dernier. La délégation était également constituée d’un représentant de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail, du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec, de l’Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail, des Producteurs de grains du Québec et des Producteurs de lait du Québec. Cette mission exploratoire visait des objectifs très précis : discuter des principes de la couverture universelle de toutes les personnes œuvrant en agriculture, échanger avec les différents acteurs impliqués dans la prévention et l’indemnisation des maladies professionnelles liées aux pesticides et mieux comprendre les mécanismes d’indemnisation de ces maladies.
Plusieurs personnes engagées dans ce dossier ont été rencontrées, et ces échanges nous ont permis de réfléchir à des façons de faire et à des milieux de travail plus sécuritaires, chez nous.
La protection individuelle et ses limites
De notre périple, nous revenons aussi ébranlés dans certaines de nos convictions, à la suite de discussions avec des chercheurs qui ont fait de la protection individuelle leur cheval de bataille. Ne dit-on pas en effet qu’il faut porter des équipements de protection individuelle (ÉPI) pour être protégé? Selon les spécialistes rencontrés, les ÉPI ont leurs limites. Ils donnent bien souvent un faux sentiment de protection qui, finalement, peut nuire au travailleur. De plus, pour être pleinement efficaces, les équipements doivent être adaptés, portés correctement et seulement sur une courte période. Des conditions, il faut le reconnaître, qui ne sont pas toujours respectées. Les cabines avec filtres ne seraient quant à elles efficaces que si le conducteur y reste sans allers-retours à l’extérieur pour préparer les applications ou ajuster les équipements. De quoi faire réfléchir et nous rappeler que, dans la hiérarchie des moyens de prévention, l’élimination du risque à la source, ou du moins le choix d’une option moins nocive, demeure sans aucun doute le meilleur gage de santé des utilisateurs. Sinon, il est primordial de se protéger adéquatement.
La santé avant tout!
Au cœur du dossier des pesticides : la santé des personnes qui travaillent en agriculture. Nous sommes résolument convaincus de l’importance qu’elles soient protégées adéquatement. Aussi, en cas de maladie professionnelle, elles doivent être indemnisées justement. Les applications de pesticides faites aujourd’hui peuvent engendrer des maladies professionnelles dans plusieurs années. D’où l’importance d’amorcer le travail avec tous les acteurs : des agriculteurs aux instances gouvernementales, en passant par les fabricants et les vendeurs de pesticides et de machinerie agricole, ainsi que les offices chargés d’appliquer la réglementation.