L’Union a participé, le 12 septembre, aux consultations parlementaires sur le projet de loi no 69, Loi assurant la gouvernance responsable des ressources énergétiques. Ce projet de loi a fait couler beaucoup d’encre depuis son dépôt, en juin dernier. D’abord parce que l’un de ses principaux objectifs est de doubler la production d’électricité de la province d’ici 2050. Cela suppose, comme l’a mentionné l’ex-ministre Pierre Fitzgibbon, de « développer en 25 ans l’électricité que le Québec a pris 100 ans à bâtir »!
Ensuite, parce qu’il prévoit plusieurs changements et assouplissements permettant l’ajout rapide de nouvelles capacités de production, incluant des « autoroutes » d’électricité, des « gigaprojets » éoliens et de nouvelles centrales électriques. Cette nouvelle orientation n’est malheureusement pas sans conséquences sur le territoire et les activités agricoles et forestières.
Les productrices et les producteurs risquent en effet d’être lourdement affectés par cette ruée énergétique, qu’il s’agisse de nouveaux projets de production d’électricité (ex. : parcs éoliens), de l’expansion considérable du réseau de lignes de transport électrique ou des hausses de tarifs qu’entraîneront nécessairement toutes ces nouvelles infrastructures.
C’est pourquoi il est essentiel de les consulter lors de chaque révision du futur Plan de gestion intégré des ressources énergétiques, qui évaluera, tous les six ans, la situation et la demande pour chaque source d’énergie, ainsi que sur tout nouveau projet ayant une incidence directe ou indirecte sur le milieu.
Pour des raisons d’autonomie, de sécurité alimentaire et d’acceptabilité sociale, il est aussi très important d’exclure tout nouveau projet en zone agricole dynamique, le milieu étant déjà constamment grugé par l’étalement urbain, l’activité de spéculateurs financiers et immobiliers, les projets industriels et la construction d’infrastructures, entre autres pour le transport. D’autant plus que le coût des travaux pour aménager de tels projets, pour les promoteurs, est souvent beaucoup moins élevé sur des sols cultivés que sur des superficies moins accueillantes (ex. : sols rocailleux) ou plus éloignées (ex. : Grand Nord québécois). Nous avons également demandé que le milieu agroalimentaire soit priorisé pour l’attribution des blocs d’électricité disponibles (les projets nécessitant plus de 5 MW d’électricité devant dorénavant obtenir une autorisation ministérielle).
Nous avons aussi abordé, dans notre présentation, nos préoccupations quant à l’élargissement de la mission de la Régie de l’énergie (plus spécifiquement concernant les nouveaux pouvoirs dévolus au ministre), la vente directe d’électricité renouvelable (qui ouvre la porte à une multiplication des projets privés en zone agricole), la tarification applicable au secteur agricole (incluant l’importance de maintenir une tarification spécifique au secteur serricole) ainsi que l’accès aux immeubles (respect des mesures de biosécurité par le personnel d’Hydro-Québec).
En résumé, notre message aux parlementaires (et au gouvernement) se voulait positif, dans le sens où nous reconnaissons les efforts déployés pour améliorer la gouvernance des ressources énergétiques au Québec. Il est toutefois impératif de mieux protéger les milieux agricole et forestier, de façon à assurer une transition énergétique juste et équilibrée. D’ailleurs, les productrices et producteurs font déjà des avancées notables en matière d’efficacité énergétique (ex. : réseau triphasé). L’électricité additionnelle requise, au cours des prochaines années, sera donc utilisée avec beaucoup plus d’efficience.
L’intrusion énergétique en zone agricole est en effet déjà préoccupante. À témoin, entre 1998 et 2022, la Commission de protection du territoire agricole du Québec a autorisé 99 % des demandes d’implantation de parcs éoliens ainsi que 97 % de celles relatives à des projets d’infrastructures liés au transport et à la production d’hydroélectricité. Il serait incohérent, voire irresponsable, d’introduire des changements législatifs qui augmenteraient cette pression déjà omniprésente sur notre garde-manger.
Bien au contraire, ce dernier doit être élevé au rang de véritable priorité nationale, comme en témoignent le lancement d’une grande consultation nationale sur le sujet (juin 2023), les craintes exprimées par le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec quant à l’augmentation probable du nombre de projets énergétiques (et miniers) en zone agricole au cours des prochaines années (deuxième volet de la consultation) ainsi que les inquiétudes de la commissaire au développement durable quant à l’incidence de tels projets sur la zone agricole (avril 2024).