L’Union des producteurs agricoles (UPA) demandera aujourd’hui aux membres de la Commission de l’aménagement du territoire d’élever la protection de notre garde-manger au rang de véritable priorité nationale en apportant des changements importants au projet de loi no 86, Loi visant à assurer la pérennité du territoire agricole et sa vitalité.
« Le projet de loi 86 est un bon projet de loi, car il reprend plusieurs des recommandations consensuelles de la Consultation nationale sur le territoire et les activités agricoles (CNTAA). Certaines dispositions nous paraissent toutefois mal avisées, plus particulièrement au regard des usages non agricoles (UNA) et de leur prolifération ces dernières années », a déclaré le président général de l’UPA, Martin Caron.
Rappelons que la zone agricole ne représente qu’environ 4 % du territoire québécois et qu’elle continue néanmoins d’être grugée par l’étalement urbain, l’activité de spéculateurs financiers et immobiliers, les projets industriels et la construction d’infrastructures.
Dans ce cadre, le projet de loi 86 propose plusieurs changements qui suscitent l’adhésion du milieu agricole, comme l’application renforcée de la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles (LPTAA) dans l’attribution de pouvoirs additionnels à la Commission de protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ), l’augmentation des exigences et l’amélioration de la qualité de la planification régionale en fonction des nouvelles orientations gouvernementales en aménagement du territoire (OGAT), une meilleure prise en compte du dynamisme du territoire agricole ainsi que la fin de la saga concernant l’interdiction de construction d’une seconde résidence sur les superficies bénéficiant de droits acquis.
Certaines dispositions, comme la permission à la CPTAQ de rendre des décisions favorables sans passer par une orientation préliminaire, l’élargissement des demandes à portée collective, l’introduction d’assouplissements additionnels pour les UNA (en l’occurrence agrotouristiques et commerciales), ainsi que la permission (sans autorisation de la CPTAQ) de certains UNA jugés « sans impacts », génèrent toutefois des hésitations et des questionnements.
Des omissions préoccupantes sont également à signaler dans le projet de loi qui ne restreint aucunement le recours aux décrets pour contourner la CPTAQ, n’aborde pas la pression générée par l’implantation croissante de projets énergétiques sur le territoire agricole, et ne pose pas de gestes concrets pour mettre un terme à la prolifération des UNA, en vertu desquels de précieux hectares agricoles sont détournés vers d’autres vocations (résidences, commerces, industries, gravières, sablières, mines, sources d’eau, aménagements municipaux, infrastructures routières, énergétiques ou de télécommunication, équipements institutionnels, etc.) sans procéder à un « dézonage » (exclusion) en bonne et due forme.
Cette dépossession sournoise de notre garde-manger est fréquemment omise lorsque des intervenants invoquent la « stabilité » de la zone agricole au fil des ans. Dans les faits, en raison des inclusions (+28 235 hectares de 1988 à 2022), des exclusions (-24 651 hectares de 1988 à 2022) et du recours croissant aux UNA (-61 098 hectares de 1998 à 2022), la zone agricole est déficitaire d’environ 57 000 hectares de 1998 à 2022 (l’équivalent de 12 terrains de football [É.-U.] par jour pendant 25 ans).
La nécessité de mieux protéger le territoire agricole va d’ailleurs dans le sens des principaux constats de la commissaire au développement durable qui, dans son rapport d’avril 2024, concluait notamment que les interventions du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec sont insuffisantes pour protéger et mettre en valeur le territoire agricole.
Cette nécessité est aussi une responsabilité stratégique de l’État québécois, les menaces à la sécurité alimentaire de nos concitoyennes et concitoyens étant de plus en plus nombreuses et fréquentes (changements climatiques, pandémies, guerres commerciales et menaces trumpistes, etc.).
« Les changements législatifs au régime de protection actuel doivent mener à un relâchement significatif de la pression exercée depuis toujours sur le territoire agricole. C’est pourquoi il est essentiel d’ajouter au projet de loi des dispositions permettant de freiner la multiplication des UNA. Ces exclusions déguisées représentent une menace silencieuse, mais bien réelle aux ambitions alimentaires des Québécoises et Québécois », a conclu Martin Caron.
*1 hectare = 1,9 terrain de football (É.-U.)
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Renseignements :
Jessica Blackburn
Chargée des relations de presse et des réseaux sociaux
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