Le projet de loi 498 proclamant chaque troisième dimanche d’octobre « Journée nationale de l’érable » a été adopté à l’unanimité, le 28 mars dernier. Cette initiative du député caquiste de Beauce-Sud, Samuel Poulin, vise à « promouvoir les produits de l’érable du Québec » et à « reconnaître la contribution des personnes qui mettent en valeur ces produits ».
Les Producteurs et productrices acéricoles du Québec (PPAQ) ont salué cette reconnaissance bien méritée. Rappelons que l’acériculture québécoise est un moteur économique important (12 582 emplois en équivalent temps plein; 1,133 G$ au PIB du Québec et du Canada; 235 M$ en revenus de taxation) et qu’il assure en moyenne 72 % de la production mondiale de sirop d’érable en exportant dans plus de 70 pays. Les 13 300 acériculteurs et acéricultrices (8 000 entreprises) rendent aussi de nombreux biens et services écologiques à l’environnement (séquestration et stockage du carbone), évalués à 1,6 G$ par année.
Les PPAQ ont toutefois rappelé que beaucoup reste à faire pour assurer l’avenir de ce secteur de production. « À l’heure où on se parle, on continue à traiter l’acériculture comme une activité de seconde importance en forêt publique. Le gouvernement du Québec refuse d’offrir un minimum de superficie pour permettre la croissance à court, moyen et long terme de la production de sirop d’érable. On ne veut pas un traitement privilégié, on souhaite simplement être considéré à notre juste valeur », a bien résumé le président de l’organisation, Luc Goulet.
Les PPAQ demandent depuis plusieurs mois au gouvernement de planifier la mise en production acéricole de 200 000 hectares sur les terres du domaine de l’État, sans toutefois obtenir d’engagements concrets. Incidemment, la production de sirop d’érable en forêt publique génère 26 fois plus de revenus fiscaux, pour le même hectare sur la même période, que la récolte de feuillus durs. Freiner la croissance d’une activité aussi lucrative, alors que le Québec connaît d’importants défis budgétaires, n’a aucun sens.
Étonnamment, cette résistance active du gouvernement québécois est complètement à l’opposé de son inaction dans le dossier éolien. Depuis l’engouement assumé d’Hydro-Québec pour l’énergie renouvelable, les agricultrices et les agriculteurs sont sollicités par des promoteurs de tout acabit souhaitant installer des éoliennes dans leurs champs. Les 140 éoliennes (150 hectares) de TES Canada, planifiées dans les MRC des Chenaux et de Mékinac, en Mauricie, illustrent parfaitement à quel point de tels projets divisent les communautés et provoquent du ressentiment. C’est le cas également dans plusieurs autres régions, comme l’Estrie, la Montérégie et Lanaudière.
Donner libre cours à un tel Far West est tout simplement irresponsable. Sur le plan alimentaire, avec seulement 0,24 hectare en culture par habitant (un ratio six fois plus bas que le Canada, deux fois plus bas que la France et cinq fois plus bas que les États-Unis), le Québec ne peut se permettre de dilapider son garde-manger. Surtout à la lumière des changements climatiques, des enjeux d’étalement urbain et de l’actuelle consultation nationale sur le territoire et les activités agricoles. D’un point de vue plus humain, faire miroiter des milliers de dollars en redevances à des centaines de productrices et de producteurs qui, dans certains cas, vivent très difficilement le contexte économique actuel est une permissivité mal avisée qu’il faut absolument dénoncer.
En fin de compte, nier activement au secteur acéricole les 200 000 hectares qu’il réclame pour assurer sa pérennité (0,2 % des forêts publiques) et refuser d’agir face à l’actuel bar ouvert éolien en zone agricole (2 % du territoire québécois) représente un paradoxe gouvernemental indéfendable. Il faut ouvrir davantage la forêt publique aux pratiques acéricoles durables (ex. : jardinage acérico-forestier) et fermer à double tour la zone agricole, et non l’inverse.