L’Assemblée nationale du Québec a récemment adopté le projet de loi no 17, Loi modifiant diverses dispositions principalement aux fins d’allègement du fardeau réglementaire et administratif. Son objectif est dans la mouvance des engagements du gouvernement en la matière, c’est-à-dire « réduire la paperasse qui, bien souvent, inonde nos entreprises », comme l’indiquait le ministre délégué à l’Économie, Christopher Skeete.
Cette troisième législation sur l’allègement administratif depuis 2021 prévoit une quarantaine de mesures dans plusieurs secteurs, y compris celui des boissons alcooliques. Un certain nombre d’allègements sont mis de l’avant et il s’agit donc d’un premier pas intéressant. À titre d’exemple, la vente d’alcools et de spiritueux à partir de grains de céréales, de pommes de terre ou de lactosérum sera dorénavant permise pour les détenteurs d’un permis de production artisanale. Mais la législation actuelle demeure complexe et incohérente à plusieurs égards, en dépit des changements apportés. Il existe de nombreux permis, mais seul celui de producteur artisanal de boissons alcooliques permet à une agricultrice ou un agriculteur de valoriser sa matière première et son savoir-faire pour la transformer.
En commission parlementaire le 21 septembre dernier, nous avons rappelé que le Québec comptait plus de 400 titulaires de permis de production artisanale en juin 2023 (deux fois plus qu’en 2018) et que l’on trouvait, derrière chacun d’eux, des petites et moyennes entreprises agricoles qui mettent en valeur le savoir-faire québécois et les alcools de chez nous. Ces artisans ont plus que jamais besoin qu’on simplifie leur quotidien. En compagnie des Producteurs de cidres du Québec et de l’Association des producteurs d’hydromels et d’alcools de miel du Québec, nous avons ainsi formulé plusieurs recommandations permettant de développer encore plus cette filière pleine d’avenir.
Nous avons notamment indiqué qu’un véritable allègement administratif permettrait sans tarder de sous-traiter les opérations de livraison, d’optimiser les rapports que les productrices et producteurs doivent remettre périodiquement aux autorités, de moderniser le contrôle des boissons alcooliques en circulation et d’abolir l’actuel système de marquage et de timbrage des boissons alcooliques, résolument archaïque. Rappelons que cette abolition se fait attendre depuis 2018, même si le projet de loi no 170 (adopté il y a cinq ans) la prévoyait dès juin 2020.
Simplifier la vie des productrices et des producteurs nécessiterait aussi de permettre la culture de différents types de matières premières sous un seul permis. Ces derniers pourraient ainsi produire et transformer des cultures secondaires en optimisant l’usage des coûteux équipements de transformation.
Assurer l’équité entre tous les productrices et producteurs artisanaux, peu importe les boissons alcooliques qu’ils produisent et vendent, serait également une priorité. Il est difficile de concevoir que seuls certains producteurs artisanaux peuvent vendre directement leurs produits aux restaurateurs, aux épiciers ou encore sur les marchés publics. Pourquoi interdire à un producteur artisanal de vendre ses spiritueux à base de miel dans un marché public, alors qu’un confrère peut y valoriser le fruit de son travail en vendant ses vins, ses cidres ou ses liqueurs?
Notre message aux parlementaires, au-delà des nombreux autres exemples que je pourrais énumérer, était qu’une refonte réglementaire profonde est nécessaire afin de simplifier les régimes de permis et les conditions administratives que les productrices et producteurs doivent gérer. Nos recommandations n’ont toutefois pas été retenues, même si elles sont partagées par les groupes de productrices et de producteurs concernés. Cette décision est très décevante.
Le projet de loi no 17 était une occasion idéale de faire rayonner davantage nos alcools artisanaux et de valoriser encore plus les artisans d’exception. Ce sera manifestement pour une prochaine fois. Nous participerons bien entendu à la nouvelle consultation sur l’avenir de cette filière, annoncée en marge de l’adoption du projet de loi. L’État devra toutefois élever son jeu au regard de l’efficacité, de la productivité et de l’innovation, comme il le demande fréquemment aux productrices et producteurs.