L’Union des producteurs agricoles (UPA) surveillera attentivement l’étude des crédits 2016-2017 du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAQ), demain à l’Assemblée nationale du Québec. « Le MAPAQ semble vouloir délaisser de plus en plus sa vocation économique, au détriment de la compétitivité de nos entreprises. Les parlementaires doivent poser les bonnes questions », a déclaré le président général de l’UPA, Marcel Groleau.
Les membres de la Commission de l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie et des ressources naturelles (CAPERN) auront l’opportunité d’interpeller le ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation, Pierre Paradis, sur les priorités budgétaires de son ministère pour la prochaine année. Ce sera l’occasion, pour les parlementaires, d’exiger des réponses spécifiques et détaillées sur des enjeux majeurs pour le monde agricole.
Plan stratégique 2015-2018 du MAPAQ
Dans son plan stratégique 2015-2018 déposé le mois dernier, le MAPAQ mentionne que les attentes des consommateurs et des citoyens guideront ses orientations et ses priorités d’action pendant cette période au regard, notamment, de l’utilisation des pesticides, du bien-être animal, de l’offre d’aliments biologiques et de l’offre d’aliments santé.
Le MAPAQ mentionne aussi, très brièvement, vouloir faire la promotion des intérêts du secteur bioalimentaire québécois dans les négociations commerciales, qu’il défendra la gestion de l’offre et qu’il orientera les travaux sur l’actualisation des outils de gestion des risques. Mais aucune intervention précise n’est mentionnée. « Pour répondre aux attentes des consommateurs, les producteurs ont besoin d’une politique agricole compétitive. Le Québec affiche malheureusement un retard important à ce chapitre », a continué M. Groleau, rappelant que l’agroalimentaire contribue plus que tout autre secteur à l’atteinte de l’équilibre budgétaire.
Sécurité du revenu
Le dossier de la sécurité du revenu est majeur pour assurer le développement du secteur agricole et l’établissement des jeunes en agriculture. En 2014, un groupe de travail réunissant l’UPA, le MAPAQ, et La Financière agricole du Québec (FADQ) s’est penché sur la refonte des programmes. Son rapport, contenant les recommandations unanimes de ses membres a été remis au ministre au début de l’année 2015.
Même si le gouvernement a décidé de ne pas rétablir les budgets de La Financière agricole du Québec à leur niveau de 2014, la conjoncture actuelle, qui demeure favorable sur les marchés, permettrait de mettre en œuvre dès maintenant une bonne partie des recommandations. Encore faut-il que l’institution et le ministre cessent de se renvoyer la balle et que des directives claires en ce sens soient données. « Il est urgent que le gouvernement donne ce signal aux producteurs afin de rétablir leur confiance en l’avenir et de stimuler leurs investissements », a mentionné le président général de l’Union.
Prioritairement, le ministre et son ministère doivent demander à la FADQ de reporter la démarche visant à ce que les producteurs choisissent entre l’assurance stabilisation des revenus agricoles (ASRA) et les programmes Agri, deux types de programmes pourtant bien différents. L'ASRA est une assurance revenu qui repose sur le coût de production. Ce programme n'est pas parfait, mais il joue son rôle de filet de sécurité. Les programmes AGRI encouragent quant à eux le rendement. Plus les revenus et les rendements augmentent, plus le programme intervient. « En plusieurs endroits dans le monde, on délaisse les aides découplées et on revient à des outils pour soutenir coûts de production. Tenter de mettre fin à l’ASRA, comme le fait M. Paradis depuis qu’il est en poste, va à l’encontre de cette tendance », a complété M. Groleau.
Fiscalité municipale
Dans son discours sur le budget 2016-2017, le gouvernement du Québec a annoncé qu’il procéderait à une réforme administrative du Programme de crédit de taxes foncières agricoles (PCTFA) et qu’il en transférerait la gestion à Revenu Québec. Le gouvernement a aussi annoncé qu’à compter du 1er janvier 2017, les terres agricoles exploitées par un producteur enregistré au MAPAQ seront admissibles à une aide financière correspondant à 78 % de la valeur des taxes municipales. Selon le gouvernement, ce pourcentage équivaut globalement au niveau de soutien présentement accordé aux bénéficiaires du programme. Or, rien n’est plus faux.
Le nouveau programme appliquera un taux unique de 78 %; il exclura les taxes scolaires et abolira le crédit de 100 % sur les premiers 300 $ de taxes. Le crédit de 85 % du coût des taxes pour l’évaluation qui excède 1 813 $ par hectare (ha) sera aussi aboli. Lorsque tous les changements seront pris en compte, l’impact représentera une hausse moyenne de 30 à 40 % de la facture assumée par les producteurs.
« Le gouvernement du Québec peut bien parler d’une réforme « à coût neutre », mais les producteurs ne sont pas dupes : diminuer la couverture du programme pour tous ceux qui en bénéficient n’a rien de neutre », a conclu M. Groleau. Une étude de l’Institut de recherche en économie contemporaine en 2015 démontrait clairement que les producteurs agricoles de partout dans le monde ont accès à des taux de taxation distincts ou à d’autres accommodements en matière de fiscalité municipale. C’est même un enjeu important de compétitivité. Le Québec doit effectivement réformer le programme. Mais ce qui est proposé n’est rien d’autre qu’un transfert des coûts supplémentaires vers les producteurs. D’où l’importance de régler cette problématique à long terme en mettant un frein à la réforme annoncée, en revoyant complètement la fiscalité foncière agricole, en révisant le mode d’évaluation foncière et en remplaçant le PCTFA par un taux d’imposition préférentiel.
Pour le président général de l’Union, « Le MAPAQ devrait mettre à contribution son équipe d’experts pour mener des analyses de pointe plutôt que d’attribuer des contrats de gré à gré en évitant d’aller en appel d’offres, comme ce fut le cas pour les mandataires Florent Gagné et Jean Pronovost. Actuellement, le ministre ne défend que la gestion de l’offre. C’est bien, mais il délaisse les autres enjeux directement sous sa juridiction et qui touchent 60 % du revenu agricole, tout en négligeant la relève ».