Le ministre André Lamontagne annoncerait prochainement « un important exercice afin de réduire le fardeau réglementaire et administratif des agricultrices et des agriculteurs québécois ». Cette démarche s’appuierait sur le Plan d’action gouvernemental en matière d’allègement réglementaire et administratif 2020‑2025, qui prévoit notamment de réduire de 10 % le nombre de formalités administratives, de 15 % leur volume et de 20 % leurs coûts, tous secteurs économiques confondus.
Personne n’a véritablement recensé le nombre, le volume et les coûts des formalités administratives en agriculture. Cela étant dit, je connais peu de productrices et de producteurs qui, a priori, salueraient le travail accompli jusqu’à maintenant, d’autant plus qu’il a une incidence directe sur la compétitivité et l’environnement d’affaires des entreprises. En agroenvironnement, il existe des dizaines de formulaires différents, ce qui peut représenter des dizaines d’heures de travail, des centaines de pages à remplir et des milliers de dollars en frais divers, selon le cas. À titre d’exemple, pour plusieurs projets depuis l’adoption du Règlement sur l’encadrement d’activités en fonction de leur impact sur l’environnement, des formulaires qui totalisent souvent plus de 100 pages doivent être remplis.
Par ailleurs, les productrices et producteurs doivent de plus en plus retenir les services de leurs propres conseillers (clubs-conseils ou privés), à leurs frais, pour fournir diverses données à un ministère ou à un autre, faute de fonctionnaires disponibles pour accomplir ce travail. Autrement dit, c’est nous qui payons la facture pour recueillir de l’information qui sert exclusivement au gouvernement (rapports, reddition de compte, etc.). Cette réalité est symptomatique du désengagement gouvernemental des dernières années.
Du côté de la main-d’œuvre étrangère, le ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration a l’intention de multiplier le nombre de documents à déposer — quelque 568 700 000 pages de plus à remplir pour les employeurs de main-d’œuvre étrangère, sans compter environ 6,6 M$ d’honoraires additionnels à débourser. Il s’agit d’un cas unique au Canada, qui va complètement à l’encontre de l’objectif. Les exemples sont nombreux, mais les résultats le sont beaucoup moins.
Sur le plan législatif et réglementaire, le bilan est tout aussi mitigé. Le projet de loi 17 (adopté en 2023) a effectivement permis certains allègements dans le secteur des boissons alcooliques. Cependant, les quelque 400 titulaires de ces permis, derrière lesquels on trouve des petites et moyennes entreprises agricoles qui mettent en valeur le savoir-faire québécois et les alcools de chez nous, réclamaient une simplification beaucoup plus importante de leur quotidien.
L’UPA, les Producteurs de cidres du Québec et l’Association des producteurs d’hydromels et d’alcools de miel du Québec ont indiqué qu’un véritable allègement administratif aurait aussi permis de sous-traiter les opérations de livraison, d’optimiser les rapports que les productrices et producteurs doivent remettre périodiquement aux autorités, de moderniser le contrôle des boissons alcooliques en circulation, d’abolir l’actuel système de marquage et de timbrage (résolument archaïque — en attente depuis 2018) et d’assurer une plus grande équité entre tous les productrices et producteurs artisanaux, peu importe les boissons alcooliques qu’ils produisent et vendent. Bref, une occasion manquée de valoriser encore plus les artisans d’exception et de donner un coup de pouce à la mise en marché de proximité.
On peut donc qualifier de mi-figue, mi-raisin le bilan du gouvernement au regard du fardeau réglementaire et administratif des agricultrices et des agriculteurs québécois. Sur le plan agroenvironnemental, on peut carrément parler de surenchère réglementaire, comme en témoignent l’omnibus de 2023 et le mécontentement qu’il suscite. C’est pourquoi l’intention de M. Lamontagne et sa volonté d’identifier « les plus grands irritants auxquels sont confrontées les entreprises agricoles » sont une bonne nouvelle en soi. Le milieu agricole réclame toutefois depuis longtemps des changements concrets, et c’est dans cet esprit que nous offrons notre pleine et entière collaboration, tout en privilégiant un optimisme prudent. « La preuve est dans le pudding », comme le disent nos voisins du sud.