Dans une décision récente1 , la Cour du Québec a refusé de reconnaître le statut de « machine agricole » à un ancien autobus scolaire utilisé exclusivement par le producteur agricole pour effectuer le transport de ses travailleurs et des équipements servant à ces derniers.
Le mazout coloré : l’exception agricole
La possession ou l’utilisation de mazout coloré dans le moteur d’un véhicule est, en principe, interdite2 sauf exception prévue dans la Loi concernant la taxe sur les carburants (LCTC)3.
L’une d’elles permet que le mazout coloré puisse être acquis ou utilisé pour alimenter le moteur d’une « machine agricole » (sauf un véhicule de promenade ou un camion), à condition que cette machine soit employée pour des travaux d’agriculture par une personne dont c’est la principale occupation4.
Dans cette affaire, le producteur prétendait que, malgré son apparence, l’autobus scolaire avait perdu ses attributs (enlèvement des bancs, nonusage pour le transport d’écolier) étant devenu une « machine agricole » au sens de la LCTC. Au même titre que les autres machineries utilisées sur les fermes (herse, planteur, semoir, pulvérisateur, etc.), l’autobus scolaire permet de transporter les travailleurs au champ avec tous leurs équipements (râteaux, sécateurs, bottes, manteaux, boîtes à lunch) afin d’accomplir manuellement toutes les opérations liées à la production des fruits et légumes, et ce, de l’ensemencement jusqu’à la récolte (planter, désherber, semer, etc.).
Décision
En l’absence de définition de machine agricole à la LCTC, la juge choisit, de son propre chef, d’utiliser celle prévue au Règlement sur l’immatriculation des véhicules routiers (RIVR) , pour interpréter l’expression « machine agricole ».
Le RIVR définit une machine agricole comme suit :
[…] « machine agricole » : toute machine, motorisée ou non, conçue et utilisée exclusivement à des fins agricoles; […]
N’étant pas conçue exclusivement à des fins agricoles, la juge conclut que l’ancien autobus scolaire utilisé par le producteur ne pouvait être considéré comme une « machine agricole », même s’il était « utilisé exclusivement à des fins agricoles ».
Commentaire
L’utilisation d’une définition empruntée d’une autre loi est permise si les lois comparées ont des objets ou sujets connexes, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. La LCTC est une loi d’ordre fiscale (perception de taxe sur l’essence) alors que le RIVR prescrit les droits d’immatriculation des véhicules assujettis au régime d’immatriculation. En l’absence de définition prévue dans la LCTC, nous sommes d’avis que le sens courant de l’expression « machine agricole » aurait pu permettre au producteur de bénéficier de l’exception prévue à la LCTC, dans ces circonstances.
Par Me Marie-Andrée Hotte
Me Hotte cumule plus de trente ans d’expérience en litige civil ainsi qu’en litige pénal. Elle possède une pratique variée en droit des assurances, en droit des obligations et en matière de responsabilité civile et pénale. Au fil des ans, elle a aussi développé une expertise particulière dans le domaine de l’énergie. Courriel : mahotte@upa.qc.ca
1. Agence du revenu du Québec c. Ferme D&M Sauriol, 2019, QCCQ 6437
2. Loi concernant la taxe sur les carburants, Chapitre T-1, article 19.1
3. Loi concernant la taxe sur les carburants, Chapitre T-1, article 19
4. Loi concernant la taxe sur les carburants, Chapitre T-1, article 19, 1 (d)
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